Réorientons la récolte de bois vers les produits à longue durée de vie
Les Assises de la forêt et du bois rassemblent en ce moment, et jusqu’au début de l’année 2022, tous les acteurs de la filière. Pour Julia Grimault, elles doivent être l’occasion de redéfinir ce que nous faisons du bois que nous récoltons, et de faire des produits-bois à longue durée de vie une priorité. Sans pour autant miser sur des objectifs irréalistes. C’est à cette double condition que la France pourra disposer d’un véritable « puits de carbone » et atteindre la neutralité carbone.
Une stratégie climat qui mise (un peu trop) sur les produits bois
Commençons par un rappel : les forêts captent le carbone grâce à la photosynthèse et, même quand les arbres sont coupés, une partie de ce carbone reste stocké dans les produits en bois. Il est stocké durablement dans les produits-bois à longue durée de vie, comme les charpentes, les panneaux ou isolants à base de bois dans la construction ou encore les produits pour l’ameublement. Il est stocké peu de temps dans les produits dits à usages courts, comme par exemple les emballages, le papier, ou le bois énergie.
Actuellement, la stratégie française pour atteindre la neutralité carbone, la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), accepte une augmentation de la récolte de bois et donc une diminution du carbone stocké dans la forêt proprement dite. Mais elle contrebalance la moitié de cette diminution par un fort développement du carbone stocké dans les produits-bois grâce à l’orientation d’une part plus importante de la récolte vers les produits à longue durée de vie. Très faible aujourd’hui, le puits de carbone dans les produits-bois est censé être multiplié par 10 d’ici 2050, pour atteindre 20 MtCO2.
Cette multiplication par dix est-elle crédible ? Le doute est permis tant elle est éloignée de la situation actuelle comme des prévisions futures, aussi bien du côté de la production de produits-bois que de la demande nationale. Ainsi, la plupart des études de références présentant des projections du puits pour la forêt et le bois ne font que très peu varier la répartition de la récolte entre les différents usages au cours du temps. Côté demande nationale, même les scénarios les plus ambitieux n’atteignent pas de tels volumes pour les sciages ou les panneaux. Atteindre un tel niveau supposerait à la fois une évolution drastique du tissu industriel d’exploitation et de transformation du bois, et un développement important de la demande nationale et/ou de l’export. Cette combinaison est plus qu’ambitieuse et semble impossible à atteindre dans les 30 ans impartis.
Misons sur ces produits bois à longue durée de vie, mais misons sur des scénarios réalistes
Est-ce à dire que favoriser la production et la consommation de produits-bois à longue durée est une mauvaise idée ? Non. C’est une option sans regrets pour le climat, qui devrait être une priorité de notre politique forestière. Mais attention à ne pas surestimer ce qu’on pourra faire. Car si nous parvenons à augmenter massivement la récolte de bois mais que nous échouons à développer aussi fortement les produits-bois à longue durée de vie, alors nous perdrons sur tous les tableaux : nous aurons une dégradation du puits forestier à court et moyen terme, sans un développement suffisant du puits dans les produits bois pour équilibrer. Et l’impact sur le bilan carbone à l’horizon 2050 sera négatif.
Les Assises de la forêt et du bois donnent aux acteurs l’opportunité de proposer des actions opérationnelles pour répondre aux enjeux de la filière. Elles sont également l’occasion de discuter des objectifs fixés et de préparer la nouvelle SNBC, pour laquelle les travaux ont déjà commencé. Misons sur les produits-bois à longue durée de vie, définissons concrètement les politiques et la trajectoire opérationnelle que cela suppose pour la filière. Mais misons aussi sur des scénarios réalistes.