Ne confondons pas « valeur tutélaire du carbone » et taxe carbone

18 février 2019 - Billet d'analyse

Alors que le nouveau rapport Quinet va être remis officiellement ce lundi au Premier Ministre, il est utile de revenir sur le rôle de la « valeur tutélaire du carbone » ou – comme il faudra désormais l’appeler – de la « valeur d’action pour le climat ». Une valeur tutélaire de, disons, 150 euros par tonne de CO2 signifie-t-elle qu’il faut mettre en place une taxe carbone de 150 euros/tCO2 ? La réponse est non. Alors à quoi sert-elle ? Tentative d’explication avec l’exemple du véhicule électrique.

 

Ce lundi sort officiellement le nouveau rapport sur la valeur tutélaire du carbone, dit rapport Quinet n°2. Pourquoi rapport Quinet ? Car c’est le nom de son auteur principal, l’économiste Alain Quinet. Pourquoi n°2 ? Car ce rapport est une mise à jour du premier rapport Quinet publié en 2008, mise à jour rendue nécessaire par le nouvel objectif climatique français de neutralité carbone en 2050.

 

La valeur tutélaire est souvent assimilée à une recommandation sur le montant de la taxe carbone. Si les deux ne sont pas sans lien, il convient cependant de bien les différencier pour éviter tout malentendu et toute fausse polémique.

 

Pour illustrer concrètement à quoi sert la valeur tutélaire, prenons l’exemple du véhicule électrique.

 

La valeur tutélaire du carbone permet de répondre à la question : est-ce rentable, pour la collectivité, de passer à la voiture électrique ? La question n’est pas de savoir si c’est rentable pour vous ou moi d’acheter un véhicule électrique plutôt qu’un véhicule thermique, mais si c’est rentable pour la société de le faire, étant donné les bénéfices en termes d’émissions de CO2.

 

Le véhicule électrique, en tenant compte de son coût d’achat et de son coût d’usage, est plus cher aujourd’hui qu’un véhicule thermique. C’est l’un des raisons pour lesquelles il s’en vend si peu. En prenant en compte ce surcoût, on peut estimer que chaque tonne de CO2 évitée grâce au véhicule électrique coûte, disons juste pour l’exemple, 150 euros. Si la valeur tutélaire du carbone est supérieure à 150 euros, alors cela veut dire qu’il est rentable pour la société de passer à la voiture électrique. Que c’est une action utile pour lutter contre les changements climatiques. Conclusion : les pouvoirs publics, qui sont garants de l’intérêt général, doivent soutenir la diffusion de ce type de véhicule.

 

Comment ? La valeur tutélaire ne le dit pas !

 

Ils peuvent financer les bornes de recharge, simplifier la réglementation pour que les particuliers en installent, subventionner l’achat de véhicule électrique, le subventionner encore plus pour les ménages modestes ou ceux qui mettent une vieille voiture au rebus… Ils peuvent n’autoriser que les véhicules électriques à circuler dans les cœurs de ville.  Ils peuvent même taxer les carburants pour qu’il devienne économiquement rentable, pour chacun d’entre nous, de se détourner du diesel ou de l’essence à l’heure de changer de voiture. C’est aux décideurs publics de trancher, de trouver le mix de politiques publiques le plus efficace, le plus juste… et le mieux accepté.

 

La valeur tutélaire ne doit donc pas être confondue avec un montant de taxe. C’est une valeur qui guide l’action publique pour le climat. La valeur tutélaire change d’ailleurs de nom dans le rapport Quinet 2 pour exprimer cela plus clairement : elle devient la valeur d’action pour le climat.

Pour aller plus loin
  • 17/07/2025 Billet d'analyse
    Quelles perspectives pour le financement de l’action climatique ? De Séville à Belém

    With the dust settling from COP29’s hard-fought negotiations on the New Collective Quantified Goal (NCQG), attention is shifting to how the climate finance goal will be met. The challenge is how to scale up financing for increasingly connected priorities in a challenging landscape of debt stress and cuts in official development assistance.

  • 02/07/2025
    Financement climat et développement : passer de l’ambition à l’action ?

    La quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FFD4) à Séville représente un jalon important pour la mise en œuvre des objectifs de développement (dont l’action climatique), dix ans après l’adoption des objectifs de développement durable (ODD) et de l’Accord de Paris. L’ « Engagement de Séville » adopté le 30 juin (en l’absence des États-Unis) se veut le signal d’une continuité dans le soutien en faveur d’un ensemble complet de mesures pour financer le développement. Il souligne aussi, cependant, l’écart entre les engagements pris à haut niveau et la réalité du terrain sur le financement à la fois du développement et de l’action climatique. Les travaux récents d’I4CE abordent deux problématiques sous-jacentes au passage de l’ambition à l’action.

  • 02/07/2025
    De l’ambition à l’action : les estimations des besoins de financement à l’ère de la mise en œuvre

    Alors que les débats sur le financement climatique évoluent des engagements vers la mise en œuvre, ce rapport propose une analyse critique des méthodologies et des récits qui sous-tendent les estimations actuelles des besoins de financement climatique. Il s’agit d’examiner comment ces estimations peuvent guider les efforts concrets dans les années à venir et d’identifier les améliorations les plus urgentes. Des milliers de milliards affichés aux millions réellement mobilisés, le défi ne consiste pas seulement à mesurer le manque, mais surtout à combler cet écart de manière effective.

Voir toutes les publications
Contact Presse Amélie FRITZ Responsable communication et relations presse Email
Inscrivez-vous à notre liste de diffusion :
Je m'inscris !
Inscrivez-vous à notre newsletter
Une fois par semaine, recevez toute l’information de l’économie pour le climat.
Je m'inscris !
Fermer