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Adaptation de la forêt : ces quelques millions qui feront la différence

9 décembre 2021 - Tribune - Par : Dr. Vivian DEPOUES

L’adaptation au changement climatique est au cœur des Assises de la forêt et du bois actuellement en cours et c’est une bonne nouvelle. Vivian Dépoues d’I4CE nous rappelle qu’elle ne sera pas qu’une question d’investissement dans le renouvellement forestier. Il appelle à ne pas négliger d’autres actions, moins couteuses mais indispensables, pour aider la filière à s’adapter.

 

Ce que les études scientifiques montraient de plus en plus clairement depuis 10 ans est devenu manifeste avec la crise des scolytes dans le Grand Est : les forêts françaises sont vulnérables aux effets du changement climatique. Les sécheresses prolongées par exemple, fragilisent les peuplements face aux attaques sanitaires, aux incendies ou encore aux tempêtes.  Selon l’ONF, c’est 50 % de la surface forestière de France métropolitaine qui pourrait ainsi voir son aspect modifié d’ici 50 ans.  Se préparer à ces évolutions est un impératif désormais largement partagé.

 

La bonne nouvelle est que l’adaptation au changement climatique est au programme des Assises de la forêt lancées en octobre par le gouvernement. Elle est y est même présentée comme une condition pour que la forêt joue pleinement son rôle, notamment de stockage du carbone.

 

Au sein de ces discussions, il y a un consensus sur le besoin d’investir plus dans cette filière pour lui permettre de se remettre des impacts déjà subits mais aussi de s’adapter pour aborder sereinement les évolutions à venir. Après des décennies d’investissement public limité, le Plan France Relance a enclenché, avec une enveloppe initiale de 150M€, une dynamique ambitieuse de renouvellement forestier dont les suites sont à présent au centre des échanges. Il s’agit de passer d’un soutien public d’environ 20M€ par an avant la relance au maintien dans la durée d’un effort collectif de l’ordre de la centaine de millions d’euros annuels. L’estimation exacte du besoin varie mais tout le monde s’accorde sur cet ordre de grandeur, les discussions portant surtout sur les modalités d’utilisation de cet argent : Quels modes de gestion de la forêt faut-il soutenir ? Quelles essences planter ? A quel rythme ? Avec quels critères environnementaux ?

 

 

Ne pas occulter d’autres actions essentielles pour l’adaptation

Ces débats sont fondamentaux mais ils ne doivent pas occulter d’autres actions essentielles pour adapter la forêt au changement climatique. Ces autres actions sont très bien identifiées dans la Feuille de route pour l’adaptation de la forêt française co-construite par tous les acteurs de la filière et publiée en 2020 par le ministère de l’Agriculture. On peut citer le soutien à la filière graines et plants en amont des plantations pour assurer la disponibilité de matériel forestier divers ; la consolidation des réseaux de suivi de l’état des forêts, de veille sanitaire et de pilotage des crises pour une gestion adaptative des peuplements ; l’animation de l’interface entre la recherche et les gestionnaires forestiers pour accompagner ces derniers dans la compréhension des dynamiques en cours et l’adaptation de leurs pratiques (par le développement de formations, de services climatiques ou d’espaces d’échanges) ou encore le renforcement du dialogue entre les professionnels du secteur et la société civile de plus en plus engagée et inquiète des choix faits pour l’avenir de la forêt.

 

Loin d’être accessoires, ces mesures constituent des prérequis à des choix de gestion adaptés. Si on ne les met pas en œuvre, le premier risque est qu’une partie des investissements en forêt ne soient en réalité jamais enclenchés – parce que les propriétaires ne seront pas mobilisés, que les stratégies de gestion ne seront pas partagées par la société civile ou que les débouchés n’auront pas été structurés. Le deuxième risque est que toute ambition de bien faire les choses, d’être ambitieux dans les critères de reboisement ou de favoriser la diversification des essences et des pratiques soient inatteignables, par exemple parce que les propriétaires ne seront pas formés ou que les bonnes essences ne seront pas disponibles dans les quantités suffisantes. Une partie des centaines de millions investis en forêt le serait alors dans de la « maladaptation » : au lieu de renforcer la résilience des écosystèmes forestiers ils en augmenteraient la vulnérabilité.

 

 

Encore faut-il mobiliser les quelques millions nécessaires

Les moyens requis par ces actions sont la plupart du temps largement inférieurs aux besoins d’investissement pour le reboisement et se chiffrent plutôt en millions qu’en centaines de millions d’euros. Encore faut-il les mobiliser. A ce jour, la traduction concrète des actions énoncées dans la Feuille de route pour l’adaptation reste imprécise. Pour que les verbes « garantir » (la disponibilité) des plants ; « consolider » (les réseaux de veille) ou « renforcer » (l’animation) soient opérants, il est nécessaire que moyens financiers et humains soient effectivement fléchés vers ces actions, sur des lignes budgétaires bien identifiées, chez les différents acteurs, y compris les opérateurs publics, compétents.

 

 

Ce sont quelques millions mais les quelques millions qui feront une différence en donnant les moyens de garantir que les investissements qui seront fait par ailleurs seront effectivement alignés avec des trajectoires de développement économique de la filière forêt-bois adaptées aux changements climatiques en cours. Ces quelques millions seront la condition d’une utilisation efficace de l’argent public dans une optique d’adaptation.

 

Rendez-vous au premier trimestre 2022 pour découvrir l’analyse détaillée et chiffrée que conduit I4CE sur ces différents besoins de moyens pour l’adaptation de la forêt.

Contacts I4CE
Dr. Vivian DEPOUES
Dr. Vivian DEPOUES
Responsable thématique – Adaptation au changement climatique Email
Pour aller plus loin
  • 11/12/2024
    Consultation PNACC – Cahier d’acteur I4CE

    Après deux années de travaux préparatoires, le projet du troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC3) a été présenté en octobre 2024. Afin d’enrichir ce Plan, une large consultation publique a été lancée, invitant les acteurs institutionnels à soumettre un « cahier d’acteur ». I4CE a souhaité déposer un cahier qui reflète l’avis de l’institut sur les avancées apportées par le Plan et les faiblesses identifiées. Il s’appuie sur la participation d’I4CE aux différents groupes de travail constitués pour préparer le PNACC3, sur les études menées par I4CE et sur les expertises sectorielles internes.

  • 11/12/2024 Billet d'analyse
    Le point dur du PNACC3 : la question des moyens

    Le troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC3), fruit de deux ans de travaux préparatoires, est enfin en consultation. Ce document propose une vision relativement complète des défis que pose l’adaptation, de l’état des actions en cours et des pistes d’actions complémentaires. Il ancre notamment une idée centrale : celle de faire de la TRACC la référence commune pour toutes les démarches d’adaptation au changement climatique : elle doit permettre d’instaurer un « réflexe adaptation » dans toutes les politiques et tous les investissements sensibles au changement climatique (cf. le cahier d’acteur I4CE pour notre analyse de cette dynamique). En revanche, ce projet de PNACC reste relativement succinct sur le volet économique : il ne contient ni vision d’ensemble des moyens actuellement engagés pour l’adaptation ni de vrai budget associé aux mesures. Pourtant nos travaux récents montrent que si les montants de l’adaptation dépendront avant tout des choix collectifs qui restent à faire, des moyens sont d’ores et déjà nécessaires pour (1) accompagner les différents acteurs (administrations, collectivités, entreprises, ménages) dans leurs démarches et (2) prendre en charge les premiers besoins déjà exprimés notamment en matière de prévention des risques. Deux points sur lesquels le PNACC ne répond que très partiellement et sur lesquels nous revenons dans ce billet.

  • 06/11/2024 Tribune
    Adaptation au changement climatique : les décisions difficiles restent devant nous

    Le gouvernement a mis en consultation son plan national d’adaptation au changement climatique. Celui-ci constitue une avancée notable car il entérine la nécessité de réfléchir en tenant compte des évolutions possibles du climat. Cela n’empêche pas les décisions difficiles à prendre. Les inondations dans le Var qui ont nécessité l’intervention de l’armée. Les inondations meurtrières en Espagne . Ces événements tragiques, et leur coût humain et économique, nous rappellent que nous ne sommes pas prêts à faire face au climat qui change. Nos territoires, nos infrastructures, nos bâtiments ne sont pas prêts. Pas plus en France qu’en Espagne, ou ailleurs en Europe.

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