Ma PrimeRénov’ : une réforme et un budget cohérents avec la planification écologique ?

4 octobre 2023 - Billet d'analyse - Par : Maxime LEDEZ / Sirine OUSACI

La planification écologique du gouvernement vise l’objectif ambitieux de tripler le nombre de rénovations globales dès 2024. En parallèle, le gouvernement s’attelle à la réforme du barème de MaPrimeRénov’ et accorde des crédits supplémentaires à ce dispositif dans le projet de loi de finances 2024. Le barème et le budget associé sont-ils à la hauteur de cette ambition ?

 

Une planification qui appelle à plus de rénovations globales

En juillet 2023, le Secrétariat général à la Planification écologique a présenté ses objectifs en matière de rénovation énergétique. Pour l’année 2024, la cible est de réaliser 200 000 rénovations globales, soit trois fois plus que ce que les ménages ont entrepris en 2022. Or, réaliser une rénovation globale n’est pas une dépense anodine. Et avec le barème actuel de MaPrimeRénov’, de tels travaux ont tendance à ne pas être intéressants sur le plan économique aux yeux des ménages, quel que soit leur revenu.

 

Prenons l’exemple concret de rénovations globales de trois maisons. Ces trois projets permettent d’atteindre un niveau de performance énergétique élevé, à savoir une étiquette énergétique B à l’arrivée. Le coût des travaux est estimé entre 62 000 et 70 000 euros. 

 

Si les propriétaires sont des ménages aux revenus modestes, la somme qu’ils devraient débourser pour engager les travaux, une fois déduites les aides de l’Agence Nationale de l’Habitat (Anah) et des Certificats d’économies d’énergie (CEE), s’élève à plus de 30 000 euros. Cela représente, pour de nombreux ménages, plus d’une année de leurs revenus. Ce reste à charge serait trop élevé au regard de leurs capacités d’autofinancement et d’emprunt. Le recours au crédit serait ainsi indispensable pour les ménages modestes et très modestes, alors même qu’il leur est dans la réalité difficile de contracter un emprunt. Et dans l’hypothèse où ils obtiennent un prêt pour financer leur reste à charge, leur taux d’endettement pourrait atteindre 70 % de leurs revenus. 

 

Et si les propriétaires de ces maisons sont des ménages avec de plus hauts revenus, qui disposent de moyens pour investir, ils seraient enclins à considérer la rénovation globale comme un investissement à perte avec les aides actuelles. À leurs yeux, les économies d’énergies générées par la rénovation ne justifieraient pas la facture des travaux. 

 

Le projet de réforme améliore nettement l’attractivité des projets de rénovation globale 

Le barème de MaPrimeRénov’ est en cours de révision. Cette réforme va-t-elle changer la donne ? Selon le projet de réforme, les propriétaires des passoires thermiques devront s’inscrire dans une démarche de travaux de rénovation globale pour avoir le droit aux aides de l’Anah. Il s’agit d’une évolution pertinente dans la mesure où, pour réduire nettement la consommation énergétique de passoires thermiques, les ménages doivent entreprendre plusieurs travaux en parallèle, notamment isoler la toiture, les murs, et changer la chaudière. 

 

Mais surtout, le nouveau barème couvrirait une part nettement plus importante de la facture des travaux de rénovations globales. À peu de chose près, ce nouveau barème correspondrait à celui proposé par la mission Sichel, et irait dans le sens des recommandations récentes d’une mission d’information de l’Assemblée nationale, et de la commission d’enquête sénatoriale sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. 

 

Tableau – La part du coût des travaux à la charge des ménages dans le cadre des projets de rénovations globales, après subventions  

 

Ces parts comprennent les aides MaPrimeRénov’ et les aides CEE. La situation actuelle correspond à la situation observée dans le cadre des opérations financées par « MaPrimeRénov’ Sérénité » en 2022 (source : Anah)

 

Avec un tel barème, le reste à charge serait bien plus limité qu’actuellement. Il serait au maximum de 7 000 euros pour les ménages très modestes. Et le temps de retour sur investissement s’améliorerait considérablement, ce qui pousserait les ménages à investir leur argent dans les projets de rénovation globale. Adopté tel quel, le projet de réforme serait donc synonyme de réel progrès pour le financement des rénovations globales.

 

Tableau – Les facteurs bloquants pour la rénovation globale d’une maison individuelle, avant et après la réforme MPR, par catégorie de ménage

Mais encore faut-il que ce projet de réforme soit adopté. Ni le gouvernement ni l’Anah n’ont encore confirmé que ce barème sera retenu pour l’année 2024. À l’heure actuelle, il faut encore attendre de savoir quels seront les arbitrages rendus.  

 

Et même si le nouveau barème était aussi généreux, les ménages modestes ne pourront financer leurs projets de rénovation globale que s’ils ont accès à un prêt. Ce qui se révèle difficile dans la pratique comme nous l’avons déjà évoqué. Sans amélioration de la distribution de l’éco-prêt à taux zéro, ils seront toujours confrontés à un reste à charge trop élevé. La dernière réforme permettant de cumuler MaPrimeRénov’ et l’éco-PTZ n’a pour l’instant pas porté ses fruits.

 

Le budget de MaPrimeRénov’ devra nettement croître l’année prochaine si le gouvernement vise des rénovations basse consommation

Qui dit nouveaux objectifs et nouveaux barèmes dit nouvelle enveloppe budgétaire. Viser plus de rénovations globales donc plus coûteuses à l’investissement, avec un barème plus généreux, implique inévitablement un budget à la hausse. 

 

Mais s’il existe un consensus sur le besoin d’augmenter le nombre de rénovations globales, le Secrétariat général à la Planification écologique n’a pas encore été très clair sur le niveau de performance recherchée de ces rénovations. Doivent-elles être de niveau basse consommation, pour atteindre l’étiquette énergétique B ? Ou sinon de réduire la consommation énergétique des logements de moitié, voire seulement de 30 % ? Cet objectif mériterait d’être précisé pour estimer le budget nécessaire.

 

Si les 200 000 rénovations doivent être de niveau basse consommation, alors l’enveloppe annoncée par le gouvernement risque de se situer un peu en-deçà des besoins de financements publics. Selon nos estimations, le budget de MaPrimeRénov’ devrait presque doubler pour atteindre 4,5 milliards d’euros, alors que le gouvernement a annoncé 4 milliards d’euros pour MaPrimeRénov’ pour 2024.* 

 

Au-delà de la question du financement, la politique de la rénovation énergétique comprend encore des angles morts

Même si le gouvernement se déclare prêt à débourser 4 milliards d’euros pour la rénovation des logements, encore faudra-t-il réussir à consommer cette enveloppe budgétaire en 2024. Bien qu’essentielles, les aides ne suffiront pas à elles seules pour atteindre les objectifs de rénovations globales. D’autres facteurs freinent profondément la croissance de ce marché. Tripler le volume de rénovations globales implique d’augmenter fortement les capacités des structures d’accompagnement dans les territoires, et l’offre disponible d’artisans formés à la rénovation globale. 

 

Et du côté des incitations, la réglementation actuelle ne cible toujours pas la mutation des logements, alors qu’il s’agit d’un des moments privilégiés par les ménages pour réaliser des travaux de rénovation. D’autres améliorations sont à prévoir rapidement pour aligner tous les outils de la politique publique vers les rénovations globales. 

 

 

 


*Pour estimer le budget nécessaire au titre de MaPrimeRénov’ en 2024, nous partons des objectifs fixés par le SGPE et supposons que les rénovations globales visées seront performantes, de niveau basse consommation. Ainsi, réaliser 200 000 rénovations globales et 500 000 rénovations par geste en 2024 devraient mobiliser 16,5 milliards d’euros d’investissements. Or, si d’une part nous conservons la même prise en charge des travaux qu’en 2022 par l’Anah pour les rénovations par geste, et si nous retenons un taux moyen d’aide pour des rénovations globales de 64 % comme dans la mission Sichel, qui propose un barème similaire à celui du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le montant des subventions atteindrait, dès 2024, 8,5 milliards d’euros. 

 

Les ménages ne mobilisent pas uniquement MaPrimeRénov’ pour financer leurs travaux, mais aussi les CEE. Le ministère de la Transition énergétique anticipe 4 milliards d’euros d’aides CEE pour la rénovation des logements en 2024. Ainsi, le budget de MaPrimeRénov’ devrait s’élever à 4,5 milliards.

Contacts I4CE
Maxime LEDEZ
Maxime LEDEZ
Chercheur – Panorama des financements climat, Bâtiment Email
Publications associées Voir toutes les publications
Pour aller plus loin
  • 19/07/2024
    Top départ pour la nouvelle législature

    Ni la campagne législative ni ses résultats n’auront permis de clarifier l’avenir de la planification écologique et d’arbitrer un chemin à suivre. Les enquêtes prouvent que l’opinion soutient très largement la finalité de l’action climatique mais les clivages s’accentuent sur les voies et moyens. La vision caricaturale d’une « écologie punitive » ne fera que prospérer tant que le débat sur le partage de l’effort n’est pas résolu dans une perspective d’équité et d’adhésion large des Français. Dans le contexte institutionnel que nous connaissons, la suite dépendra beaucoup des initiatives des parlementaires. 
    Dans cette dernière newsletter avant la trêve estivale, à l’heure où la nouvelle Assemblée se réunit pour la première fois, [i4ce] vous propose de faire le point sur les prochains sujets que les parlementaires auront à traiter et de relire nos dernières études associées. 

  • 12/07/2024
    Financement de la transition : quelles marges de manœuvre autour du besoin de financement public ?

    Au regard de ses objectifs climat, la France est confrontée à un déficit d’investissement. Aujourd’hui, ces investissements mettent les finances publiques à contribution, aussi bien pour investir dans les équipements publics que pour cofinancer les projets des ménages et des entreprises. Accroître les investissements climat apparait donc comme un défi pour les finances publiques. Mais c’est un défi de taille variable, qui dépend des politiques à venir. Quelles sont donc les marges de manœuvre autour des besoins de dépenses publiques en faveur du climat ?

  • 02/07/2024
    État des lieux des progrès de l’Union européenne vers la neutralité climat

    Évaluer l’état d’avancement des travaux pour éclairer les prochaines étapes de l’élaboration des politiques publiques européennes. L’Union européenne (UE) s’est engagée sur la voie de la neutralité climat d’ici à 2050. Ce projet multigénérationnel offre de nombreuses opportunités sociétales, économiques et environnementales. En même temps, il est d’une ampleur sans précédent et implique des changements considérables dans les systèmes actuels, qui doivent être anticipés et pris en compte pour que la transition soit équitable et acceptable pour tous. Un contrôle régulier des progrès accomplis est essentiel pour comprendre où en est l’UE dans son parcours. Il permet d’identifier les défis et les opportunités et de prendre des mesures politiques ciblées pour orienter les investissements, l’offre, la consommation et le développement sociétal. Il n’existe toujours pas de suivi officiel, complet et régulier des progrès à l’échelle de l’UE pour y parvenir.

Voir toutes les publications
Contact Presse Amélie FRITZ Responsable communication et relations presse Email
Inscrivez-vous à notre liste de diffusion :
Je m'inscris !
Inscrivez-vous à notre newsletter
Une fois par semaine, recevez toute l’information de l’économie pour le climat.
Je m'inscris !
Fermer