Quelles perspectives pour le financement de l’action climatique ? De Séville à Belém
Ce billet a été initialement publié par ODI Global
Après les négociations difficiles de la COP29 sur le nouvel objectif collectif quantifié (NCQG), l’attention se porte désormais sur la manière dont cet objectif de financement climat sera atteint. Le défi consiste à trouver comment augmenter les financements vers des priorités de plus en plus interdépendantes dans un contexte difficile marqué par des niveaux de dette élevés et la réduction de l’aide publique au développement.
La récente conférence sur le financement du développement (FfD4) à Séville offre des pistes importantes pour maintenir la dynamique politique sur la voie de la COP30 à Belém. C’est la première fois que le processus FfD est étroitement lié aux décisions de la CCNUCC. Le document final du FfD4, l’Engagement de Séville, va au-delà des précédents résultats FfD (le Programme d’action d’Addis-Abeba) en intégrant le financement de l’action climat dans le cadre plus large du financement du développement, plutôt que de le traiter comme un volet distinct. Alors que le Programme d’action d’Addis-Abeba reconnaissait les engagements existants en matière de financement climatique (l’objectif de 100 milliards de dollars), l’Engagement de Séville appelle activement à la mobilisation de ressources pour sa mise en œuvre. Il s’agit là d’une évolution significative.
Voici les cinq résultats obtenus par le FfD4 en matière de financement de l’action climatique :
Appel à la mobilisation de ressources pour la mise en œuvre des décisions de la CCNUCC
L’Engagement de Séville établit plusieurs liens avec les processus multilatéraux relatifs au climat, à la biodiversité et à la désertification. Plus précisément en ce qui concerne le financement de l’action climatique, il appelle « à la fourniture et à la mobilisation de moyens de mise en œuvre, dans le prolongement de la CNUCCC et de l’Accord de Paris ». Cela inclut la décision controversée sur les NCQG (voir l’analyse d’ODI ici) et les fonds multilatéraux pour le climat liés à la CCNUCC.
Le choix des termes est important. En inscrivant l’objectif de financement climatique dans le cadre plus large du financement du développement, l’Engagement reconnaît que la mobilisation de ressources financières d’au moins 300 milliards de dollars d’ici 2035 – et leur augmentation à 1 300 milliards de dollars provenant de toutes les sources de financement – sera liée aux discussions sur la réforme de l’architecture financière internationale et à la mobilisation accrue des financements privés pour le développement durable.
Soutien à la mise en œuvre des CDN et des PNA
Le document final appelle également à un « appui à la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national et des plans nationaux d’adaptation ». Les contributions déterminées au niveau national (CDN) actualisées des pays, ou CDN 3.0, doivent être présentées cette année et devraient être plus ambitieuses que celles de la précédente série, comme le prévoit l’Accord de Paris. Le Comité permanent des finances de la CCNUCC a précédemment estimé que les besoins des pays en développement pour mettre en œuvre les CDN s’élèveraient à 455-584 milliards de dollars par an d’ici 2030. Avec l’entrée en vigueur des CDN 3.0, l’estimation des coûts pourrait être réhaussée. Le déficit de financement est bien documenté, notamment en matière de financement de l’adaptation : il est estimé entre 187 et 359 milliards de dollars par an, et a motivé l’engagement pris lors de la COP21 de doubler le financement de l’adaptation – engagement qui arrivera à échéance cette année.
Le soutien à la mise en œuvre des CDN et des PNA nécessitera des financements substantiels, bien supérieurs à l’objectif de 300 milliards de dollars fixé par le NCQG. Pour répondre aux besoins des pays en développement, il est nécessaire de mettre en place des stratégies de financement cohérentes qui utilisent à bon escient les rares ressources concessionnelles, mais qui cherchent également à stimuler la mobilisation des ressources nationales et à favoriser les investissements privés.
Le lancement de la feuille de route de Bakou à Belém par la COP30
Afin d’atteindre l’objectif de 1 300 milliards de dollars, les présidences de la COP29 et de la COP30 élaborent actuellement la feuille de route de Bakou à Belém et le rapport demandé à Bakou. Comme l’a indiqué la présidence brésilienne de la COP 30 à son Cercle des ministres des Finances, cinq domaines prioritaires seront à l’ordre du jour du rapport attendu par la COP30 à Belém : la réforme des BMD, l’expansion des financements concessionnels et des fonds climatiques, les plateformes pays pour renforcer les capacités nationales, les instruments financiers innovants pour mobiliser les capitaux privés et le renforcement des cadres réglementaires.
Ces domaines d’action constituent un effort louable pour aborder certaines des questions clés qui ont façonné les délibérations du NCQG. Parmi celles-ci figure le rôle des finances publiques : faut-il les utiliser pour réduire les risques et mobiliser davantage d’investissements privés afin d’orienter l’économie réelle, ou bien fournir des subventions et des ressources hautement concessionnelles pour des mesures climatiques présentant des caractéristiques d’intérêt public ou des rendements monétisables moins certains, par exemple pour l’adaptation ? Il sera essentiel de surmonter les contraintes budgétaires dans les pays développés et en développement pour accroître le financement de la lutte contre le changement climatique.
Souligner l’importance de la transparence dans les rapports sur le financement de l’action climatique
L’accent mis par l’Engagement de Séville sur la transparence dans la communication d’informations sur le financement de l’action climatique fait écho aux dispositions en matière de transparence figurant dans la décision sur le NCQG. À partir de 2028, les pays établiront des rapports biennaux sur les progrès collectifs, y compris des rapports spécifiques sur l’amélioration de l’accès, l’équilibre régional du financement climatique et les impacts, les résultats et les effets des flux de financement climatique. La reconnaissance dans le document final de l’importance de la transparence démontre une dynamique soutenue visant à suivre non seulement la quantité, mais aussi la qualité des flux financiers.
Toutefois, les progrès dans ce domaine dépendront des informations qui pourront être collectées pour rendre compte d’un large éventail de sources de financement. La formulation générale de l’augmentation à 1 300 milliards de dollars dans le NCQG provenant de « toutes les sources publiques et privées » soulève une question pertinente quant à la manière dont « tous » les flux financiers privés (mobilisés, catalysés, etc.) pourraient être comptabilisés. La saisie des flux financiers privés est depuis longtemps un défi, notamment en ce qui concerne la gestion des aspects liés à la confidentialité et les approches visant à rendre ces informations cohérentes (c’est-à-dire à mesurer la même chose), normalisées (c’est-à-dire à la même unité, y compris l’unité de temps) et agrégées pour évaluation.
La route vers Belém
En reconnaissant les défis plus larges – du coût élevé du capital aux niveaux d’endettement insoutenables –, l’engagement de Séville reflète une prise de conscience politique croissante des réformes structurelles nécessaires pour répondre aux urgences climatique et de l’effondrement de la biodiversité. Pour atteindre les milliers de milliards nécessaires, une coordination à plusieurs niveaux sera nécessaire.
L’ampleur des besoins nous donne une idée du défi à relever, mais les chiffres actuels ont une utilité pratique limitée pour soutenir la mobilisation des financements au niveau national. Les estimations doivent aller au-delà des besoins d’investissement abstraits et intégrer des considérations relatives au coût du capital, pour aboutir à des plans d’investissement détaillés et à des stratégies de financement adaptées aux différentes sources et instruments de financement. Ceux-ci doivent être conçus de manière à minimiser les coûts et à tenir compte des contraintes respectives des acteurs publics et privés.
La manière dont les pays traduiront l’Engagement de Séville en actions concrètes variera selon les situations nationales. Pour réussir, il faut des cadres politiques qui envoient des signaux clairs et fiables aux acteurs des marchés financiers, c’est-à-dire des signaux qui favorisent la mobilisation des ressources financières. Les pays peuvent concevoir des ensembles de mesures adaptés à leurs besoins et priorités spécifiques, en s’appuyant sur des outils issus de la politique budgétaire, de la réglementation financière et de mesures monétaires et non monétaires. En tenant compte d’une vision globale de leurs besoins de financement, de leurs politiques nationales et de leurs objectifs de développement durable, les pays peuvent réduire l’incertitude pour les investisseurs et renforcer leurs efforts pour attirer et déployer des financements durables.
Il ne reste que quatre mois avant la prochaine COP. La voie vers la COP30 et la mise en œuvre de la « Feuille de route de Bakou à Belém vers 1.3T » dépendra de si la reconnaissance du climat dans le cadre plus large du développement conduit à une meilleure coordination, ou bien ajoute une couche de complexité supplémentaire à un paysage déjà difficile.