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Présidentielle 2022 : l’analyse croisée des programmes

30 mars 2022 - Billet d'analyse

Les investissements pour le climat qui vont devoir être réalisés d’ici 2030 pour tenir l’objectif français sont considérables. Et cet objectif étant appelé à être revu à la hausse pour contribuer au nouvel objectif européen, le besoin d’investissement va lui aussi augmenter. L’Etat et les pouvoirs publics participent aujourd’hui activement aux investissements favorables au climat. Qu’en sera-t-il à l’avenir ? Qui paiera, qui s’endettera : l’Etat, les collectivités, les contribuables, les ménages, les entreprises ou les générations futures ?

 

Nous avons demandé aux candidats de répondre à cette question, de préparer leur « budget pour le climat ». C’est un enjeu de transparence, de crédibilité. C’est aussi une manière de tester la cohérence de leur stratégie pour le climat.

 

Alors, les candidats sont-ils prêts ? Ont-ils des stratégies de financement – et même plus largement des stratégies pour le climat – très différentes ? Quels sont les consensus entre les candidats ? Et quels sont les défis budgétaires trop peu traités ? C’est ici que vous trouverez les réponses à ces questions.

 

 

Sept candidats analysés

N’ayant pas les ressources d’analyser l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle, I4CE a concentré son décryptage sur les 7 candidats les plus hauts dans les sondages au 1er janvier 2022. L’analyse ci-dessous concerne donc les propositions d’Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse et Eric Zemmour. Si les autres candidats n’ont pu être analysés faute de moyens, cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas de propositions pour le climat : certains d’entre eux en ont de nombreuses, et nous vous invitons à les consulter.

 

Pour réaliser notre décryptage, en plus des programmes officiels, nous avons posé aux candidats des questions complémentaires : Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Valérie Pécresse ont répondu à ces questions et la plupart d’entre eux ont fait l’effort de chiffrer plus ou moins précisément leurs budgets. Nous tenons à remercier ces candidats pour le travail fourni et les précisions apportées. Tous les éléments fournis par les équipes de ces candidats sont disponibles sur notre site. Les estimations de l’impact financer des mesures proposées sont les leurs, pas les nôtres.

 

Malgré le fait que nous ne sommes pas en mesure de décrypter les propositions de Fabien Roussel, son équipe a répondu à notre questionnaire. Nous les remercions pour ce travail et vous invitons à lire cette réponse.

 

Le décryptage proposé par I4CE n’apporte pas d’éclairages sur la faisabilité des mesures proposées par les candidats. Il évalue le niveau de préparation des candidats : les défis mis en avant par I4CE ont-ils été bien identifiés, trouve-t-on des mesures pour tenter d’y répondre, l’impact financier de ces mesures a-t-il été estimé? Le décryptage révèle également les différentes stratégies des candidats pour le climat, et en particulier leur stratégie de financement : leur budget pour le climat. I4CE ne prétend pas dire quel candidat a la bonne stratégie, pour la simple et bonne raison qu’il y en a plusieurs possibles. Mais nous nous permettons de pointer les insuffisances ou les paris de leurs différentes stratégies.

 

 

Absent des débats, le climat n’est pas absent des programmes

Le climat n’est pas au cœur de la campagne électorale en cours, c’est un euphémisme. Mais il est rassurant de constater qu’il n’est pour autant pas absent des programmes des candidats que nous avons décryptés. Mis à part Marine Le Pen et Eric Zemmour, dont les programmes contiennent à ce jour très peu de mesures permettant de lutter contre les changements climatiques, les cinq autres candidats ont des propositions et aucun ne remet en cause l’objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre françaises d’ici 2030. Tous sont même prêts à le réviser pour contribuer au nouvel objectif européen en la matière, récemment revu à la hausse.

 

Tous n’ont pas un budget pour le climat néanmoins. Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon arrivent devant les électeurs avec des propositions qui relèvent la quasi-totalité des défis budgétaires identifiés par I4CE, et l’impact financier de la quasi-totalité de ces propositions a été chiffré. Anne Hidalgo et Emmanuel Macron ont quant à eux des propositions pour la plupart de nos défis : la majorité de ces propositions ont été chiffrées pour la première, certaines d’entre elles pour le second.

 

Valérie Pécresse quant à elle n’a aujourd’hui pas de budget pour le climat complet et chiffré, mais de la réponse de son équipe à notre questionnaire se dégage néanmoins une stratégie de financement de la transition. Marine Le Pen et Eric Zemmour n’ont quant à eux ni l’un ni l’autre.

 

 

Sans surprise : des stratégies (de financement) contrastées

Pour atteindre les objectifs climat de la France, les candidats ont des stratégies de financement de la transition, et plus généralement des stratégies pour le climat, différentes. C’était attendu. Laissons ici de côté Marine Le Pen et Eric Zemmour : ils n’ont pas répondu à notre questionnaire  et, malgré les quelques précisions qu’ils ont apportées au cours de la campagne, il n’y a pas suffisamment de matière dans leurs programmes publics pour déterminer la philosophie de leur budget pour le climat. Les autres se différencient par le niveau d’intervention de l’État, en matière budgétaire mais pas seulement.

 

Valérie Pécresse : une intervention de l’État minimale, le pari de l’épargne privée

Valérie Pécresse ne compte pas augmenter significativement les investissements et les subventions publics pour le climat : elle mentionne une enveloppe de 1,7Md€/an « en faveur de l’environnement », sans plus de précisons, et conditionne les financements pour le climat à « l’équation budgétaire globale » et à une efficience accrue. Elle prévoit néanmoins des investissements dans le ferroviaire, les bornes de recharge électrique ou le nucléaire, investissements pour lesquels la contribution des pouvoirs publics reste à préciser.

 

Valérie Pécresse privilégie clairement l’investissement privé, mais comment inciter les ménages et entreprises à investir pour le climat ? Etant opposée à « l’écologie punitive », elle ne souhaite pas renforcer le cadre réglementaire et fiscal actuel. Sa mesure phare consiste à leur faciliter l’accès à l’emprunt et mobiliser l’épargne privée avec notamment un « Livret Vert ».

 

Est-ce suffisant ? On peut en douter. Dans la rénovation énergétique des logements par exemple, l’accès à l’emprunt n’est pas le problème principal, loin de là : les ménages modestes sont incapables de s’endetter plus, quant aux autres ils ont aussi besoin de bénéficier d’incitations plus fortes, d’un accompagnement technique, et d’avoir confiance dans la qualité des travaux.

 

Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon : une intervention forte, le pari de l’acceptabilité

Jean-Luc Mélenchon, lui, assume une forte intervention de l’État. Pour inciter les acteurs privés à investir, il renforce le cadre réglementaire et fiscal et l’accompagne d’une augmentation forte des investissements et subventions publics, augmentation de plus de 45 milliards d’euros par an. Pour financer cette augmentation, il veut revoir la fiscalité sur les plus riches, lutter contre la fraude et l’évasion fiscale et compte sur une hausse de l’activité économique. Il prévoit par ailleurs des mesures pour que l’État s’endette plus facilement, « en cas de crise ou en anticipation de la montée en puissance des recettes consécutives aux  investissements ».

 

Yannick Jadot et Anne Hidalgo assument également un interventionnisme important. Ils renforcent le cadre réglementaire et fiscal, et l’accompagnent d’une hausse significative des investissements et co-financements publics, moindre que Jean-Luc Mélenchon néanmoins : respectivement 25 et 14 milliards d’euros par an. Contrairement à Jean-Luc Mélenchon, ils ne veulent pas cesser d’appliquer les règles budgétaires européennes actuelles, mais les réformer pour favoriser l’investissement. Dans une logique de tiers-financement, ils comptent par ailleurs sur des opérateurs publics ou privés pour avancer les frais de rénovation des logements voire d’acquisition d’un véhicule électrique, ces opérateurs se remboursant ensuite sur la baisse des factures énergétiques ou lors de la revente du logement dans le cas de la rénovation.

 

Les stratégies climat d’Anne Hidalgo, de Yannick Jadot et de Jean Luc Mélenchon posent trois questions d’acceptabilité. La première est celle du consentement à l’impôt pour faire face à la hausse plus ou moins forte des dépenses publiques. La seconde est celle du calibrage de l’accompagnement financier : est-il suffisant pour que les acteurs privés puissent faire face au renforcement parallèle du cadre réglementaire et fiscal ? La dernière concerne nos partenaires européens : sont-ils prêts à accepter une réforme des règles budgétaires ?

 

Emmanuel Macron : une intervention limitée, le pari de l’effet levier

Comme Valérie Pécresse, Emmanuel Macron ne propose pas de renforcer le cadre règlementaire et fiscal pour inciter les ménages et entreprises à investir pour le climat. De son côté, il mise d’abord sur des investissements et subventions publics, avec une enveloppe de 10 milliards d’euros par an pour la transition écologique. Une enveloppe moindre qu’Anne Hidalgo, Yannick Jadot ou Jean-Luc Mélenchon donc, et dont l’additionnalité par rapport aux financements publics déjà prévus ou par rapport au Plan de relance et France 2030 reste à préciser.

 

Cette enveloppe va de pair avec un recours accru à des mécanismes financiers qui visent à maximiser l’effet levier des financements publics et à mobiliser des financements privés. Ainsi, il entend créer un système de leasing pour aider les ménages à accéder à un véhicule électrique ou encore faire préfinancer par des « opérateurs de la rénovation » le coût des rénovations des bâtiments. Il mise également sur les Certificats d’économie d’énergie pour accélérer la rénovation des bâtiments ou la décarbonation des transports, ou sur la vente de crédits carbone pour les projets agricoles ou encore forestiers labellisés « bas-carbone ».

 

Ces mécanismes financiers seront-ils suffisants pour déclencher les investissements privés nécessaires ? La plupart d’entre eux en sont encore à un stade quasiment expérimental. La crédibilité de la stratégie climat d’Emmanuel Macron dépend donc fortement de sa capacité à les déployer rapidement, à les massifier.

 

 

Plus surprenant, et utile pour la suite : des consensus pour le nouveau quinquennat

Programmation budgétaire pluriannuelle, rôle des collectivités locales, adaptation aux impacts inéluctables du changement climatique, fin des subventions aux énergies fossiles, transparence sur l’usage des recettes de la fiscalité écologique, accompagnement renforcé pour les ménages modestes… L’analyse détaillée des programmes des cinq candidats analysés qui ont des propositions pour le climat fait émerger des consensus. Des consensus parfois surprenants, dont certains peuvent être analysés comme l’héritage de la crise des gilets jaunes, et qui sont encourageants : ce sont autant de potentiels agendas de réformes pour le quinquennat qui s’ouvre.

 

Agenda 1 : la future programmation budgétaire pluriannuelle

Tous les candidats se prononcent pour une forme ou une autre de programmation budgétaire pluriannuelle pour le climat, de programmation des investissements : via une loi de programmation budgétaire pour le climat par exemple ou dans le cadre de l’habituelle loi de programmation des finances publiques. Une programmation pluriannuelle qui est nécessaire pour donner de la visibilité aux acteurs privés, être transparent et débattre collectivement de son volume, de son efficacité et des grandes orientations stratégiques. La première loi de programmation des finances publiques et la future loi de programmation énergie-climat seront des moments importants, dès le début du quinquennat, pour concrétiser cette idée.

 

Agenda 2 : la fin des subventions aux énergies fossiles et la transparence sur les recettes de la fiscalité écologique

Héritage de la crise des gilets jaunes : la taxe carbone restera gelée. Yannick Jadot est le seul à l’évoquer, du bout des lèvres : il ne voudrait l’augmenter qu’en cas de baisse « significative » des prix de l’énergie. Tous cependant veulent supprimer progressivement les subventions aux énergies fossiles, qui prennent surtout en France la forme de niches fiscales sur l’énergie et qui ont été mises sur le devant de la scène à l’occasion des débats de 2018 sur la taxe carbone.

 

Par ailleurs, ils sont nombreux à vouloir clarifier l’usage qui est fait des recettes de la taxe carbone ou plus généralement de la fiscalité écologique voire même de la fiscalité sur l’énergie. Le manque de transparence sur l’utilisation de ces recettes était devenu un point de tension pendant la crise des gilets jaunes, et cette clarification est une condition de l’acceptabilité de cette fiscalité. Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron et Valérie Pécresse proposent explicitement de les affecter au financement de la transition et aux ménages, sous diverses modalités.

 

Agenda 3 : l’indispensable accompagnement des ménages, et en particulier des plus modestes

La classe politique, comme – admettons-le – nombre d’experts dont nous faisons partie, a pris pleinement conscience pendant la crise des gilets jaunes des difficultés concrètes auxquelles sont confrontés les ménages modestes pour accéder aux alternatives bas-carbone : incapacité à acheter un véhicule bas-carbone, accès limité aux transports en commun, impossibilité de rénover son logement sans s’endetter lourdement… Si les candidats veulent investir pour offrir des alternatives à tous les ménages, ils veulent aussi mieux « cibler » les ménages modestes. Dans la réponse à notre questionnaire, Valérie Pécresse veut ainsi orienter les aides publiques « vers les ménages et les entreprises les plus impactées par la transition énergétique » et « lier mesures écologiques et pouvoir d’achat » pour les ménages modestes. Cette orientation se traduit néanmoins, à ce stade, à la marge dans son programme. Emmanuel Macron a quelques propositions ciblées vers les ménages modestes, notamment la mise en place d’un système de leasing pour accéder aux véhicules électriques. Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon ont quant à eux de nombreuses propositions pour cibler et aider plus fortement les ménages modestes dans le domaine de la rénovation des logements, de la mobilité ou de l’alimentation.

 

Agenda 4 : les collectivités – et leurs moyens financiers – au cœur de la transition

Les candidats se rejoignent sur le rôle clé que doivent jouer les collectivités locales. Nombre de leurs propositions, en particulier quand elles nécessitent d’importants investissements, doivent être mises en œuvre « en collaboration » ou « en lien » avec les collectivités. Elles vont parfois de pair avec des mécanismes de financement – plus ou moins précis et chiffrés. Valérie Pécresse veut ainsi une « loi de décentralisation » qui « confiera aux collectivités locales les missions et les moyens correspondants en matière de rénovation thermique ou d’électrification des transports routiers », quand Anne Hidalgo veut leur attribuer une part de la fiscalité carbone, en faire des « Autorités organisatrices de la lutte contre la précarité énergétique » et créer une « dotation verte » de l’État. Néanmoins aucun ne chiffre globalement ce que représenteront les objectifs climatiques en termes de dépenses supplémentaires pour les collectivités. Il conviendra au prochain gouvernement de clarifier ce point – et les moyens correspondants – dans une future programmation budgétaire pluriannuelle.

 

Agenda 5 : l’émergence de l’adaptation

L’adaptation est un sujet qui commence à être abordé. Ce n’est qu’un début, cela reste partiel mais c’est un signe encourageant : la France doit se préparer aux conséquences inéluctables du changement climatique, et la France n’est pas encore prête. Cela se traduit dans les programmes par des propositions plus ou moins précises pour que les dépenses publiques de long terme (investissements dans les infrastructures de transport, opérations de rénovation urbaine, construction des bâtiments…) prennent en compte les changements climatiques. Emmanuel Macron prévoit ainsi une « intégration systématique des enjeux d’adaptation dans les investissements publics ». Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon prévoient également, avec différents niveaux de détail, de doter de plus de moyens les organismes publics qui jouent un rôle-clef dans l’adaptation au changement climatique.  Certains candidats proposent par ailleurs quelques mesures plus ciblées qui sans encore constituer une vision d’ensemble identifient de premiers leviers d’action concrets : Valérie Pécresse souhaite par exemple lancer des « plans opérationnels d’adaptation au changement climatique, à conduire avec les Régions, pour se préparer avec l’appui de l’État aux canicules, feux de forêts, montées des eaux et inondations »  quand Jean-Luc Mélenchon prévoit notamment un fonds d’aide pour la relocalisation des constructions menacées par les inondations et la montée du niveau de la mer.

 

D‘autres consensus pour le prochain quinquennat

Le décryptage des programmes laisse apparaitre d’autres consensus sur lesquels le prochain Président ou la prochaine Présidente pourra s’appuyer. En matière de rénovation énergétique des bâtiments, tous ont conscience de la nécessité d’accélérer la rénovation des bâtiments publics et de continuer à aider les ménages à rénover leurs logements. Pour cela ils promeuvent parfois des logiques de tiers-financement pour maximiser l’effet levier des financements publics, à l’image d’Anne Hidalgo, Emmanuel Macron et de Yannick Jadot. Cette logique, Anne Hidalgo et Emmanuel Macron l’appliquent aussi à l’acquisition de véhicules bas carbone que les candidats s’accordent à vouloir soutenir financièrement. Plus généralement, en matière de transport, ils ont tous conscience de la nécessité d’investir dans le ferroviaire et les transports en commun, même si leurs propositions et la répartition de l’effort entre acteurs restent parfois vagues.

 

Nombreux sont aussi sont les candidats à vouloir améliorer la gouvernance du climat, avec des propositions allant du vote annuel d’un « Budget Climat et biodiversité », à la mise en place d’un organisme public indépendant pour évaluer les lois à l’aune du climat, en passant par la création d’un « Conseil à la planification écologique » et un bilan annuel partagé avec le Parlement de l’efficacité des actions publiques pour le climat. La mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières européennes, actuellement en négociation au niveau européen, fait également consensus, et plus largement la prise en compte du climat dans le commerce international. Citons, enfin, la convergence de plusieurs candidats sur la création de « livrets » pour flécher l’épargne des Français vers la transition ; ou sur la nécessité d’aider les Français à faire face à la hausse des prix de l’énergie, que ce soit avec la baisse de la TVA sur l’énergie, un gel des prix à la pompe ou du gaz, l’augmentation du chèque énergie ou des réformes plus ou moins fortes des règles de fonctionnement du marché européen de l’électricité.

 

 

Les défis oubliés de la présidentielle devront être relevés durant le quinquennat

Les défis qui font consensus ne sont pourtant pas tous suffisamment approfondis par l’ensemble des candidats. C’est en particulier le cas de l’adaptation, un sujet encore émergent. Ou du financement des collectivités locales, qui vont devoir faire face à une hausse de leurs dépenses d’investissement et de fonctionnement pour le climat. D’autres défis ont été aussi trop peu traités globalement par les candidats, voire font l’objet de profonds dissensus. Ils devront pourtant être gérés par le prochain ou la prochaine locataire de l’Elysée.

 

Le financement du nouveau mix énergétique

C’est d’abord le cas du financement de la transition énergétique. Les candidats ont évidemment des visions du mix énergétique – et en particulier du mix électrique – très différentes. L’opposition entre nucléaire et renouvelables est prégnante dans les programmes des candidats. Ils ne veulent pas financer la même chose, c’est normal ; mais ce qui l’est moins est qu’ils sont souvent peu clairs sur qui paiera le surcoût de l’électricité, qu’elle soit nucléaire ou renouvelable. Ainsi, ceux qui promeuvent la relance du nucléaire ne disent pas quel en sera l’impact sur la facture des consommateurs, ni comment l’État contribuera au financement du vaste programme de construction d’EPR, ne serait-ce que par la capitalisation ou les garanties publiques nécessaires pour aider EDF à emprunter. Quant à ceux qui promeuvent les énergies renouvelables, s’ils chiffrent les investissements nécessaires, ils n’expliquent pas quel serait l’impact sur la facture des consommateurs et sur le montant de la CSPE, la Contribution au service public de l’électricité.

 

L’accompagnement des éleveurs

Les candidats ont des visions très différentes de ce qu’est une agriculture et une alimentation durables, et ne se retrouvent pas sur la manière de la financer. Ainsi, alors qu’Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon entendent réorienter fortement les aides de la Politique agricole commune, Valérie Pécresse et Emmanuel Macron misent plutôt sur la mobilisation d’investisseurs privés via la compensation carbone, dans une logique de paiement des agriculteurs pour les services environnementaux qu’ils rendent à la collectivité.

 

C’est surtout sur l’élevage, secteur très émetteur de gaz à effet de serre, que le dissensus est le plus criant. Si certains évoquent la baisse de la production et de la consommation de viande et ont des propositions pour accompagner les éleveurs, d’autres n’évoquent pas le sujet. A ce jour, il n’existe pourtant pas de scénario permettant à la France d’atteindre la neutralité carbone sans une transformation profonde de la filière élevage.

 

L’avenir de l’industrie du bois

Enfin, si nombre de candidats s’expriment sur l’avenir de la forêt et de l’industrie française du bois, ils ont tendance à omettre la nécessité de développer la production et la consommation des produits en bois à longue durée de vie comme les matériaux de construction. Ce développement est pourtant indispensable pour stocker du carbone dans la durée et ainsi renforcer le « puits de carbone » de la France. C’est une action sans regret, que les récoltes de bois augmentent ou non.

 

Voir le décryptage climat de la présidentielle
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Contact Presse Amélie FRITZ Responsable communication et relations presse Email
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