Industrie : comment planifier les investissements de la transition écologique ?

30 juin 2022 - Tribune - Par : Erwann KERRAND / Hadrien HAINAUT

Le secteur industriel représente aujourd’hui environ 20 % des émissions françaises de gaz à effet de serre (GES). En dépit d’objectifs ambitieux fixés au niveau national, ses émissions n’ont pas significativement baissé depuis 2010, et ce malgré un renforcement ces dernières années de l’action publique. A l’heure où le gouvernement prône une véritable “planification écologique”, Erwann Kerrand et Hadrien Hainaut de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) identifient dans ce billet les conditions pour qu’une telle démarche soit au service de la décarbonation de l’industrie, notamment en donnant plus de visibilité aux industriels sur les investissements à réaliser.

 

 

La décarbonation de l’industrie doit considérablement s’accélérer.

Bien que l’industrie française émette moins que celles des pays voisins en raison d’une électricité peu carbonée, elle reste trop émettrice vis-à-vis des objectifs nationaux. Le rythme que connaît la décarbonation de l’industrie ces dernières années est trop lent au regard des objectifs climat à 2030. Entre 2013 et 2019, l’industrie a réduit ses émissions de 1,8% par an. Pour atteindre nos objectifs 2030, fixée par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), il faudrait que les émissions diminuent bien plus rapidement : de l’ordre de 4,4% par an. Et encore cela ne tient pas compte du rehaussement de l’objectif global européen de −40 % à −55 % de GES d’ici 2030, qui entraînera une révision de l’objectif pour le secteur industriel. Le respect de ces objectifs implique donc une refonte profonde de la façon dont les pouvoirs publics pilotent et soutiennent cette transition.

 

 

Les récentes initiatives de l’État pour soutenir la décarbonation de l’industrie française.

L’action publique en faveur de la décarbonation de l’industrie n’est pourtant pas restée au point mort ces dernières années. Plusieurs initiatives de concertations par filière permettent d’y voir plus clair sur les trajectoires possibles pour décarboner l’industrie et l’État a renforcé l’accompagnement financier de la transition.

 

Les travaux de concertation par filières, doivent permettre d’élaborer des trajectoires de décarbonation. Ainsi, l’article 301 de la loi climat et résilience adoptée l’été dernier propose de mobiliser les comités stratégiques de filière qui réunissent déjà les industriels et l’État autour de « contrats de filière », pour élaborer « des feuilles de route de décarbonation ». Certaines feuilles de route ont déjà été publiées (filières Papier-carton ou Mines et métallurgie), les autres sont attendues pour la fin de l’année. De son côté l’Agence de la transition écologique (ADEME) publie des plans de transition sectoriels qui définissent des scénarios approfondis pour les industries grandes consommatrices d’énergie à l’horizon 2050.

 

En ce qui concerne la décarbonation des procédés industriels, plusieurs pistes sont désormais bien identifiées : le recours à la biomasse, la capture et séquestration du carbone, ou encore l’électrification et le recours à l’hydrogène. Plusieurs arbitrages dessinent même une tendance en faveur de la dernière option. En témoigne la récente décision d’ArcelorMittal d’investir dans des fours électriques pour ses deux sites sidérurgiques. La relance de la production nucléaire souhaitée par le Président de la République semble également s’inscrire dans cette tendance. Elle s’observe encore au niveau de l’Union européenne : dans le plan REPowerEU, présenté en mai dernier par la Commission européenne, figure un axe dédié au renforcement de la production d’électricité renouvelable et à la production interne d’hydrogène renouvelable.

 

En parallèle, de nouveaux financements publics ont été mis sur la table depuis la crise du Covid-19. Jusqu’à récemment, les principales politiques publiques visant à soutenir la décarbonation de l’industrie reposaient en grande partie sur le système européen d’échange de quotas d’émissions carbone (SEQE), le Fonds Chaleur et les subventions de l’ADEME pour la réalisation d’études sur l’efficacité énergétique. Plusieurs nouvelles enveloppes de financement ont été dégagées ces deux dernières années : les plan Hydrogène, France Relance et France 2030 apportent ainsi un accompagnement de l’ordre de 20 Md€ sur la période 2020-2030. Toutefois, il reste difficile de savoir si ces actions permettront d’accélérer suffisamment la décarbonation de l’industrie pour respecter les objectifs climat.

 

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Erwann KERRAND
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Hadrien HAINAUT
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