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PNACC 3 : l’année 2024 marquera-t-elle le lancement d’une véritable politique d’adaptation au changement climatique ?

18 janvier 2024 - Billet d'analyse - Par : Morgane NICOL / Dr. Vivian DEPOUES / Guillaume DOLQUES

Le projet de nouveau plan national d’adaptation va sortir dans les prochains jours avec pour la première fois un portage politique de haut-niveau. Différentes conditions doivent néanmoins être assurées pour que ce Plan soit réellement opérant et permette (enfin) de lancer une véritable politique d’adaptation : il doit être assorti de moyens publics, en particulier d’une création d’un nombre suffisant de postes ; reposer sur une trajectoire de réchauffement lucide et opposable ; et inscrire d’ores et déjà des jalons pour la mise en œuvre.

 

Le 23 janvier et dans les jours qui suivent, Christophe Béchu devrait dévoiler les contours du prochain Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC 3). Certaines conditions semblent réunies pour que ce PNACC3 produise plus d’effet que ses prédécesseurs : un portage politique de haut-niveau, des travaux préliminaires de qualité, un sujet qui investit le débat public… D’autres doivent encore l’être pour que ce Plan entraîne l’ensemble des acteurs dans une dynamique d’adaptation aux conséquences du changement climatique. La politique d’adaptation, par nature transversale et touchant à des enjeux régaliens, ne pourra avancer au rythme nécessaire sur la seule base d’une compilation de mesures techniques et d’études. Entendons-nous bien : ces mesures techniques et études sont absolument nécessaires, et le PNACC 3 ne pourra pas faire l’économie d’une longue liste d’études, d’exigences de planification et reporting… qui permettent de s’assurer que les bonnes questions sont posées aux bons moments.

 

Mais la politique d’adaptation au changement climatique de la France ne pourra s’arrêter là.

 

Ce qui est en jeu est une transformation de la culture du risque pour se préparer à être surpris, une incitation aux acteurs privés à prendre en compte dans leur stratégie que le climat futur ne ressemblera pas à celui d’hier pour assurer la résilience de l’économie française, un travail à mener territoire par territoire pour identifier précisément les vulnérabilités et ouvrir des débats sur le niveau de risque acceptable, ce qui doit être maintenu ou transformé.

 

La liste d’actions immédiates est donc importante et nécessaire mais ne pourrait être considérée comme suffisante pour engager la véritable dynamique d’adaptation au changement climatique dont la France a besoin. Au-delà du Plan lui-même, 3 conditions devront être réunies pour que ce PNACC 3 soit opérant, qu’il réduise la vulnérabilité du pays au changement climatique et améliore effectivement la capacité d’adaptation tel que l’exige la loi Climat européenne.

 

Associer à ce Plan des moyens publics, notamment humains

 

Il faudra d’abord que soient associés à ce Plan des moyens publics, notamment humains, faute de quoi une dynamique de mise en œuvre par les acteurs, collectivités et entreprises, peinera à se mettre en place, et l’amélioration effective de la résilience des territoires et de l’économie française patinera. Les collectivités et les acteurs privés vont devoir monter en compétences à marche forcée et intégrer à leur stratégie et leurs investissements les enjeux de résilience en climat futur. Pour cela, ils vont avoir besoin de données, de connaissances, mais aussi d’accompagnement pour savoir comment se saisir de ces informations. Pour répondre à ce besoin, il nous semble incontournable qu’un nouveau service public dédié à l’adaptation soit mis en place et lancé dans le cadre du PNACC 3. En plus de ce nouveau service public, il faudra également bien entendu que des effectifs dédiés soient déployés au sein des différents opérateurs et des collectivités, et que l’ensemble des personnels publics concernés soient formés à ces enjeux.

 

Prendre appui sur une trajectoire de réchauffement de référence lucide et dotée d’une réelle valeur juridique

 

Il faudra également que le PNACC 3, et la politique d’adaptation plus généralement puissent prendre appui sur une trajectoire de réchauffement de référence lucide et dotée d’une réelle valeur juridique légitimant sa prise en compte dans les choix d’aménagement ou les plans de prévention des risques par exemple. La trajectoire sur laquelle le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique est construit considère un réchauffement moyen de +4°C en France à l’horizon 2100. Cette trajectoire, correspondant à +3°C au niveau mondial à la fin du siècle n’est pas pessimiste puisque c’est celle sur laquelle nous placerait la mise en œuvre effective des mesures annoncées par les États à ce jour. Il faut espérer que ces mesures seront renforcées pour infléchir cette trajectoire mais il serait irresponsable de ne pas se préparer à un tel niveau de réchauffement.

 

Garantir une mise en œuvre progressive d’actions d’adaptation

 

Enfin il faudra s’assurer que des mécanismes soient définis pour garantir une mise en œuvre progressive d’actions d’adaptation, au fur et à mesure que les connaissances préalables requises deviennent disponibles. Si à court-terme dans bien des cas des études de vulnérabilité et une meilleure évaluation de l’efficacité des solutions d’adaptation sont nécessaires pour préciser les mesures qui devraient être prises, nous ne pourrons pas attendre 5 ans de plus et le PNACC 4 pour tenir compte du résultat de ces analyses. Le PNACC 3 doit dès maintenant prévoir la suite des opérations. Par exemple il doit à la fois lancer les études de vulnérabilité des réseaux de transport, et prévoir qu’à partir du résultat de ces études seront établis des plans d’investissement ciblés sur les « points chauds » identifiés et que des objectifs d’adaptation seront intégrés dans les contrats d’objectifs entre l’État et les gestionnaires ferroviaires et routiers notamment. Autre exemple, le PNACC3 doit initier des actions pour combler les manques de connaissance sur le comportement des bâtiments lors de vague de chaleur et l’efficacité de différentes options d’adaptation, et aussi fixer dès maintenant l’objectif d’intégrer ces retours dans le prochain cycle de révision de la RE2020.

Contacts I4CE
Dr. Vivian DEPOUES
Dr. Vivian DEPOUES
Responsable thématique – Adaptation au changement climatique Email
Guillaume DOLQUES
Guillaume DOLQUES
Chercheur – Adaptation au changement climatique Email
Pour aller plus loin
  • 11/12/2024
    Consultation PNACC – Cahier d’acteur I4CE

    Après deux années de travaux préparatoires, le projet du troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC3) a été présenté en octobre 2024. Afin d’enrichir ce Plan, une large consultation publique a été lancée, invitant les acteurs institutionnels à soumettre un « cahier d’acteur ». I4CE a souhaité déposer un cahier qui reflète l’avis de l’institut sur les avancées apportées par le Plan et les faiblesses identifiées. Il s’appuie sur la participation d’I4CE aux différents groupes de travail constitués pour préparer le PNACC3, sur les études menées par I4CE et sur les expertises sectorielles internes.

  • 11/12/2024 Billet d'analyse
    Le point dur du PNACC3 : la question des moyens

    Le troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC3), fruit de deux ans de travaux préparatoires, est enfin en consultation. Ce document propose une vision relativement complète des défis que pose l’adaptation, de l’état des actions en cours et des pistes d’actions complémentaires. Il ancre notamment une idée centrale : celle de faire de la TRACC la référence commune pour toutes les démarches d’adaptation au changement climatique : elle doit permettre d’instaurer un « réflexe adaptation » dans toutes les politiques et tous les investissements sensibles au changement climatique (cf. le cahier d’acteur I4CE pour notre analyse de cette dynamique). En revanche, ce projet de PNACC reste relativement succinct sur le volet économique : il ne contient ni vision d’ensemble des moyens actuellement engagés pour l’adaptation ni de vrai budget associé aux mesures. Pourtant nos travaux récents montrent que si les montants de l’adaptation dépendront avant tout des choix collectifs qui restent à faire, des moyens sont d’ores et déjà nécessaires pour (1) accompagner les différents acteurs (administrations, collectivités, entreprises, ménages) dans leurs démarches et (2) prendre en charge les premiers besoins déjà exprimés notamment en matière de prévention des risques. Deux points sur lesquels le PNACC ne répond que très partiellement et sur lesquels nous revenons dans ce billet.

  • 06/11/2024 Tribune
    Adaptation au changement climatique : les décisions difficiles restent devant nous

    Le gouvernement a mis en consultation son plan national d’adaptation au changement climatique. Celui-ci constitue une avancée notable car il entérine la nécessité de réfléchir en tenant compte des évolutions possibles du climat. Cela n’empêche pas les décisions difficiles à prendre. Les inondations dans le Var qui ont nécessité l’intervention de l’armée. Les inondations meurtrières en Espagne . Ces événements tragiques, et leur coût humain et économique, nous rappellent que nous ne sommes pas prêts à faire face au climat qui change. Nos territoires, nos infrastructures, nos bâtiments ne sont pas prêts. Pas plus en France qu’en Espagne, ou ailleurs en Europe.

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