Edito – I4CE salue la tenue de la première conférence internationale sur le risque climat pour les superviseurs

12 avril 2018 - Billet d'analyse - Par : Julie EVAIN

Les banquiers centraux se mobilisent face aux risques climatiques, en plaidant pour plus de transparence, des stress-tests carbone et une régulation du système financier qui intègre ces risques.

 

Vendredi 6 avril étaient réunis près de 200 collaborateurs de banques centrales et autorités de supervision financière, à l’initiative de la Banque centrale néerlandaise (DNB), la Banque d’Angleterre, la Banque de France et l’ACPR, sous l’égide du Réseau des superviseurs et des banques centrales pour le verdissement du système financier (Central Banks and Supervisors Network for Greening the Financial System). 

 

Après divers travaux précurseurs menés à l’échelle nationale par la Banque centrale néerlandaise, la Banque d’Angleterre et la Banque de France sur l’exposition de leurs secteurs bancaire et assurantiel aux risques climatiques, les banques centrales et superviseurs financiers ont constitué un Réseau d’échange sur les méthodes et bonnes pratiques pour appréhender les risques climatiques. Cette initiative, née lors du One Planet Summit de décembre dernier, devrait donner lieu à un premier rapport en 2019.

 

L’intégrité du système financier menacée par le changement climatique selon le gouverneur néérlandais

 

Le lien entre la mission des banques centrales et les enjeux liés au changement climatique n’était pas évident jusqu’à récemment. Pourtant, comme l’expliqué Klaas Knot, gouverneur de la banque centrale des Pays-Bas (DNB), les banquiers centraux se doivent de garantir les conditions d’une économie prospère et durable et « la prospérité générée aujourd’hui entraine des dommages environnementaux graves qui vont empêcher les générations futures d’atteindre ces mêmes niveaux de prospérité. Le rôle du superviseur est donc de garantir la prospérité aux sociétés d’aujourd’hui et de demain, ce qui implique la prise en compte du long terme et des risques climatiques. » Dans ce contexte, la DNB s’inquiète de « la solidité et de l’intégrité des institutions financières et du système financier tout entier » face au changement climatique.

 

François Villeroy de Galhau, favorable à une régulation accrue du système financier

 

A l’instar de son homologue néerlandais, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, considère également que « la stabilité climatique est, sur le long terme, un des déterminants de la stabilité financière ». C’est pourquoi le changement climatique constitue une « nouvelle frontière », et un défi comparable à celui du financement de la croissance et des infrastructures au XIXe ou à la gestion des crises financières au XXe.
Il définit deux axes de priorité pour les années à venir : mesurer les risques de long terme associés au changement climatique et développer les opportunités liées au financement de la transition.
« Les risques physiques sont la source la plus visible et immédiate de risque pour le secteur financier. Les assureurs sont en première ligne, mais les banques peuvent également être atteintes si elles ne sont pas couvertes. » Pour François Villeroy de Galhau, les risques physiques devraient être a minima attentivement surveillés.

 

Quant aux risques de transition, qui concernent environ 13 % des actifs dans les exercices conduits par les banques centrales française et néerlandaise, ils sont moins visibles et ne se matérialisent pas encore. Cependant « il faut s’y préparer car tout le monde ne pourra pas se ‘délester ‘ de ses expositions au même moment et sur le même mode ».

 

L’objectif pour la Banque de France et les superviseurs du Réseau est donc de mieux mesurer et réduire les risques de long terme associés au changement climatique.
En matière de régulation, le gouverneur de la Banque de France a plaidé pour une pénalisation des actifs bruns, « car les risques climatiques de transition vont se matérialiser ».

 

Pour Mark Carney, il est urgent de passer de l’esprit à l’action pour éviter une déstabilisation de l’ensemble du système financier

 

Près de trois ans après son discours historique sur les risques climatiques, Mark Carney a réalisé un état des lieux des progrès réalisés depuis l’Accord de Paris, distinguant les transitions en réflexion et en action. Depuis 2015, s’est opérée selon le gouverneur de la Bank of England une transition dans les esprits. Il a par exemple rappelé l’importance de l’engagement pris durant le One Planet Summit par des institutions financières gérant collectivement 80 trillions de dollars d’actifs, de soutenir les recommandations de la TCFD en analysant leur exposition aux risques climatiques et rendant publique cette analyse. « L’accès à ces informations sur les risques climatiques est crucial pour permettre aux marchés financiers une réallocation effective et dynamique des capitaux. »
Reconnaissant l’Accord de Paris comme « une action politique majeure » Mark Carney a néanmoins exprimé ses craintes quant à la trajectoire d’un réchauffement de 2.7°C minimum sur laquelle nous placent les contributions déterminées au niveau nationale (NDCs) actuelles et a rappelé l’urgence d’agir dès maintenant.

 

Maintenant, il n’y a « plus qu’à » !

 

I4CE salue les messages portés par ces gouverneurs de banques centrales, qui témoignent d’une volonté des autorités de régulation et de supervision de se mobiliser pour mieux analyser et prendre en compte les risques climatiques. Nous partageons l’analyse d’un besoin crucial pour le secteur financier de mieux comprendre ses expositions aux risques climatiques, et d’ensuite limiter et gérer ces risques.
Nous attendons donc avec impatience les résultats des travaux issus des échanges du Réseau. Et nous nous tenons bien entendu disponibles pour apporter notre expertise aux banquiers centraux et superviseurs.

 

1 https://www.dnb.nl/en/binaries/tt_tcm47-338545.pdf

2 https://www.bankofengland.co.uk/climate-change

3 https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/File/433386

4 Conférence internationale visant à mobiliser la finance publique et privée pour la lutte contre le changement climatique

Pour aller plus loin
  • 25/04/2024
    Recommandations d’I4CE à l’Autorité bancaire européenne sur les plans de transition prudentiels

    L’Autorité bancaire européenne (EBA) clarifie la manière dont les banques doivent élaborer et mettre en œuvre leur « plan de transition », comme l’exige la réglementation prudentielle de l’Union Européenne (UE). Le plan de transition est la feuille de route stratégique de la banque, pour préparer une transition vers une économie durable telle que définie par les juridictions dans lesquelles elle opère, y compris une économie européenne neutre sur le plan climatique. Il a été introduit dans plusieurs cadres réglementaires de l’UE, notamment en tant qu’obligation de reporting découlant de la directive européenne CSRD. Le cadre prudentiel et l’EBA se concentrent sur un aspect spécifique : la manière dont les banques prévoient de gérer leurs risques financiers liés à la transition. L’encadrement de ces plans par l’EBA sera essentiel pour déterminer si les banques gèrent leurs risques financiers de manière cohérente avec le besoin plus large de financer la transition vers une économie bas carbone.

  • 11/04/2024
    Recommandations d’I4CE au Comité de Bâle sur la divulgation des risques liés au climat

    Après une première étape en 2022, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire s’oriente enfin vers une réglementation des risques liés au climat. Fondé en 1974, ce forum réunit les superviseurs financiers des pays du G20 et établit des normes communes pour la stabilité financière. Il y a deux ans, le comité a publié un document consultatif sur les principes de gestion et de surveillance des risques climatiques. Il prend maintenant des mesures supplémentaires en s’orientant vers la réglementation.
    Ce document de consultation publique, publié en novembre 2023, vise à intégrer les risques financiers liés au climat dans le cadre de la divulgation d’informations (pilier 3). Dans le cadre de cette consultation, les experts finance d’I4CE ont adressé leurs recommandations au Comité en mars 2024.

  • 22/03/2024
    5 ans de politique climatique européenne : Quel bilan ? Quelles perspectives ?

    Les élections européennes approchent, et avec elles la crainte d’un retour en arrière sur les politiques climatiques. Quelle que soit l’issue de ces élections, à I4CE nous continuerons à produire de l’expertise pour faire avancer les politiques climatiques en Europe. C’est ce que nous avons fait ce lundi, lors d’une conférence organisée avec l’Institut Jacques Delors et Strategic Perspectives. Autour de trois tables rondes disponibles en replay, nous avons cherché à tirer le bilan du Pacte vert et à tracer des perspectives pour la suite, avec trois questions phares : Comment faire émerger un nouveau mode de gouvernance ? Comment rendre la transition accessible à tous ? Quels besoins d’investissements et quel rôle pour le financement privé ?

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