Les bâtiments face aux nouvelles vagues de chaleur : investir aujourd’hui pour limiter la facture demain

16 septembre 2022 - Étude Climat - Par : Guillaume DOLQUES / Dr. Vivian DEPOUES

Plus de 35°C dans des salles d’examen lors des épreuves du baccalauréat, des habitants éprouvés par la surchauffe de leurs logements… L’été 2022 a de nouveau démontré que nos bâtiments ne sont pas adaptés pour faire face aux nouvelles vagues de chaleur. Pourtant, chaque année, des dizaines de milliards d’euros sont investis dans des opérations de construction et de rénovation qui ne tiennent toujours pas compte de l’évolution du climat. Dans cette étude, I4CE propose d’actionner tout de suite trois leviers pour amorcer une dynamique d’adaptation de nos bâtiments, et trois évolutions plus structurelles parmi lesquelles l’évolution de la réglementation thermique.

 

Les bâtiments ne sont pas conçus pour faire face à des vagues de chaleur de plus en plus intenses

Plus de 35°C dans certaines salles d’examen lors des épreuves du baccalauréat en juin, des habitants éprouvés par la surchauffe des logements mal isolés. L’été 2022 a de nouveau démontré que les bâtiments ne sont pas adaptés pour faire face aux nouvelles vagues de chaleur que nous connaissons. Ce n’est que le début, Météo-France prévoit une intensification tant en fréquence qu’en sévérité des épisodes de forte chaleur quel que soit le scénario de réchauffement considéré. Ce qui n’était qu’une question d’inconfort des personnes ces dernières années se transforme peu à peu en question plus fondamentale d’habitabilité des bâtiments (ou d’exploitabilité pour un bâtiment industriel ou tertiaire) touchant directement à des problématiques de santé ou de sécurité. Il semble donc impensable que les bâtiments construits ou rénovés aujourd’hui ne tiennent pas systématiquement compte de cet enjeu. Pourtant, ni la règlementation, dont les règles de calcul prennent comme référence le climat passé, ni les aides financières publiques n’incitent à tenir compte de l’évolution attendue du climat. Cela signifie que chaque année, des dizaines de milliards d’euros – dont une part significative d’argent public – sont investis dans des opérations de construction et de rénovation qui vont se révéler rapidement inadaptées aux nouvelles conditions climatiques. Dans certains cas ces investissements aggravent même le problème en finançant des bâtiments dépendants de la climatisation ou des opérations de rénovation qui, tout en permettant des économies d’énergie l’hiver, se révèlent contre-productives l’été.

 

 

Concevoir des projets adaptés au changement climatique : c’est déjà possible

Notre analyse de la documentation existante sur le sujet et les entretiens que nous avons pu mener avec les acteurs du secteur montrent que mieux prendre en compte le confort d’été dans un bâtiment, de manière durable et sans recours à la climatisation, ne pose le plus souvent pas de difficulté technique majeure. Il s’agit surtout de la volonté du maître d’ouvrage d’intégrer cette préoccupation au cahier des charges de l’opération. Dans la plupart des situations, cela se révèle possible pour un surcoût de l’ordre d’une dizaine de pourcents. Penser des bâtiments adaptés dès leur construction ou à l’occasion des opérations de rénovation sera, dans tous les cas, moins cher que de devoir réinvestir pour adapter les bâtiments a posteriori et évitera le recours massif à la climatisation avec ses externalités énergétiques et environnementales négatives. Intégrer l’évolution du climat dès aujourd’hui et dans toutes les opérations de construction et de rénovation est donc un enjeu d’efficacité de la dépense, notamment publique.

 

 

Trois leviers à actionner pour amorcer une dynamique d’adaptation ambitieuse

  1. Prendre systématiquement en compte l’évolution du climat dans les opérations immobilières publiques. L’État, les collectivités et les organismes publics pourraient dès aujourd’hui intégrer aux cahiers des charges de leurs propres opérations immobilières – notamment lorsqu’elles concernent des publics et des usages sensibles (ex. bâtiments scolaires, logements sociaux…) – des critères de prise en compte du confort d’été allant au-delà de la règlementation thermique. Dans le cas des bâtiments d’enseignement et de recherche par exemple, cela représenterait par exemple un effort d’investissement annuel supplémentaire de l’ordre de 500 M€ sur un investissement actuel estimé à 4,9 Mds€/an.
  2. Réorienter les aides à la rénovation vers les opérations globales et performantes. Plus de 6,9 Mds€  ont été versés en 2021 au titre des aides à la rénovation énergétique. La majorité des travaux de rénovation ainsi financés se sont limités à la réalisation d’un poste de travaux (isolation des combles, changement du système de chauffage…). Mais pour bien traiter le confort d’été, celui-ci doit s’inscrire dans un projet qui questionne au même moment l’ensemble des leviers d’amélioration du bâti du point de vue du confort mais aussi de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre. C’est un argument de plus en faveur d’une réorientation des aides publiques vers les projets de rénovation énergétique globale qui présentent également d’autres avantages en matière d’atteinte des objectifs de neutralité carbone.
  3. Accompagner la montée en compétences de la filière par la recherche, l’animation d’écosystèmes et la formation. Face à l’ampleur et à la rapidité des transformations requises, des investissements sont nécessaires pour mettre en place un environnement propice et accompagner la filière. Cet accompagnement passera notamment par la formation à destination des différents acteurs du bâtiments, mais également par une intensification de la recherche sur les solutions techniques, des moyens d’animation et de formation pour accélérer la diffusion des bonnes pratiques, ou encore par la mise à disposition des informations climatiques adéquates. Dans le cadre du projet Quanti-Adapt, nous avons chiffré les besoins de financement associés à un tel bouquet d’actions à 31 millions € par an.

 

 

A terme, des évolutions plus structurelles sont à envisager pour un parc de bâtiments vraiment adapté

  • Faire évoluer la réglementation thermique pour intégrer l’évolution du climat dans les modèles de calcul. Sans attendre, un critère « bâtiment adapté » pourrait être intégré dans le label accompagnant la RE2020 dont les travaux de concertation sont toujours en cours.
  • Renforcer la prise en compte de l’adaptation dans les documents d’urbanisme. Les documents d’urbanisme, par les dispositions qu’ils intègrent, influent assez fortement les choix d’aménagement d’un quartier ou d’un bâtiment. Il est important de saisir les moments d’élaboration ou de révision de ces documents d’abord pour s’assurer qu’ils n’entravent pas les bonnes pratiques d’adaptation mais surtout pour qu’ils incitent à la réalisation de projets adaptés.
  • Encourager les gestionnaires de parcs à intégrer l’adaptation au changement climatique. Le confort d’été dans un bâtiment doit devenir un critère de performance pour les gestionnaires de parcs au même titre que les économies d’énergie. Pour y parvenir, des incitations économiques ou des dispositions règlementaires pourraient être envisagées pour inciter ces derniers à objectiver la vulnérabilité de leur parc, traiter les urgences, et anticiper l’évolution du climat dans les futures opérations de construction et de rénovation.

Pour aller plus loin
  • 05/04/2024
    Quels coûts de l’adaptation ? Anticiper les effets d’un réchauffement de +4°C

    Combien va coûter l’adaptation d’une France à +4°C ? La réponse à cette question émergente est essentielle pour piloter l’action publique et comme le soulignait la Cour des Comptes dans son rapport public annuel en mars « pour mesurer, […] l’impact qu’aura globalement l’adaptation au changement climatique sur les finances publiques ». Pourtant les magistrats soulignent aussi que l’« évaluation précise des coûts actuels et futurs de l’adaptation, […] est encore trop souvent lacunaire, voire inexistante ». Ce constat est particulièrement préoccupant à quelques semaines de la présentation du prochain Plan National d’Adaptation (PNACC3).

  • 05/04/2024
    Anticiper les effets d’un réchauffement de +4°C : quels coûts de l’adaptation ?

    Évaluer les implications économiques des politiques climatiques est essentiel pour piloter l’action publique. D’importants progrès ont été faits sur l’évaluation des coûts de l’atténuation avec notamment la publication en 2023 du rapport sur les incidences économiques de l’action pour le climat. Mais comme le souligne la Cour des Comptes dans son rapport public annuel 2024, les questions restent beaucoup plus émergentes pour l’adaptation. Nos travaux récents nous permettent néanmoins de dégager 5 premières conclusions sur ce sujet.

  • 19/01/2024
    2024  : un nouvel élan pour l’adaptation ?

    « 2024, année de l’adaptation » au changement climatique ? C’est en tous cas les mots d’Antoine Pellion, Secrétaire général à la planification écologique. C’est également, fait marquant car grande première, l’intention affichée par le Président de la République lors de son intervention du 16 janvier : « La France sera mieux armée face aux aléas du changement climatique. […] Ceci avec un plan d’adaptation et de résilience de nos territoires bâti avec nos maires, nos élus locaux en métropole comme dans nos Outre-mer. » Le gouvernement réussira-t-il en 2024 à engager le tournant dans la politique d’adaptation au changement climatique qu’il appelle de ses vœux ? Pour vous aider à y voir plus clair, cette newsletter vous apporte des éclairages sur les principaux enjeux à suivre dans les prochaines semaines.

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