Publications Financement public

One Planet Summit : trois points de vigilance sur le Green Budgeting

27 septembre 2018 - Billet d'analyse - Par : Damien DEMAILLY / Benoît LEGUET

Il y a un peu moins d’un an, la France organisait le One Planet Summit et, parmi de nombreux engagements, rejoignait avec le Mexique l’initiative Green Budgeting de l’OCDE. Un premier bilan de ces engagements s’est tenu le 26 septembre à New York, et les prochaines étapes de cette initiative ont été dévoilées. Avec notamment des études pour évaluer le potentiel d’un Green Budget en France et dans tous les pays de l’OCDE.

 

 

Le Green Budgeting, c’est quoi ?

L’objectif final de tout cela est d’aider les Etats à faire de leur budget un levier de la transition vers une économie neutre en carbone. Très concrètement, le Green budgeting devrait prendre la forme d’un document, synthétisant des données jusque-là éparpillées dans de nombreux rapports budgétaires. Un document qui s’intéresse à l’enjeu climatique – et pourrait être à terme élargi à d’autres enjeux environnementaux voire à l’ensemble des objectifs de développement durable – et qui liste :

 

  • Les dispositifs fiscaux ayant un impact positif – mais aussi négatif – sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; à l’image de la contribution climat-énergie pour ce qui est de la fiscalité « pro-climat », ou des exemptions de contribution accordées à de nombreux secteurs pour ce qui est des niches fiscales contraires à la réduction des émissions.
  • Les dépenses budgétaires qui sont, là aussi, favorables ou défavorables au climat. Pour ce qui est des dépenses favorables, on peut prendre l’exemple des investissements de l’Etat dans les transports collectifs ou les aides à la rénovation énergétique.

 

Au-delà de l’énumération de ces mesures budgétaires, chacune d’entre elle devrait être évaluée à l’aune de son coût pour le budget de l’Etat, et de sa contribution à la baisse – ou à la hausse – des émissions de gaz à effet de serre.

 

 

Trois points de vigilance

Un tel document doit permettre de faire, chaque année, le point sur l’alignement du budget d’un pays avec ses objectifs climatiques. Et de nourrir le débat politique tout en permettant des comparaisons – et donc des apprentissages – entre pays. A ce stade, soulignons trois points de vigilance.

 

Tout d’abord, attention à ne pas simplement évaluer l’efficacité des mesures budgétaires pour le climat à l’aune du nombre d’euros dépensés pour chaque tonne de gaz à effet de serre évitée aujourd’hui. Une telle approche court-termiste pourrait nous conduire à manquer l’objectif de neutralité carbone en 2050 : certaines mesures permettent en effet de réduire les émissions de façon peu coûteuse à court terme, tout en étant incompatibles avec l’objectif de neutralité carbone. Il en est ainsi des rénovations énergétiques des bâtiments faites a minima aujourd’hui, et qui devront être refaites de manière plus ambitieuse dans quelques années. Des mesures « bon marché » en 2018 pourraient donc se révéler très coûteuses à l’avenir. Pour atteindre la neutralité carbone, nous avons besoin de prendre dès aujourd’hui des mesures relativement coûteuses mais seules à même de nous amener à l’objectif, et qui, en se massifiant, pourraient bien devenir rentables. Il pourrait en être ainsi de certaines technologies comme le véhicule électrique ou à hydrogène, ou encore de changements organisationnels profonds comme l’aménagement des villes pour laisser plus de place aux modes de transport doux.

 

Deuxième point de vigilance : l’investissement public ne suffira pas à réaliser la transition vers une économie neutre en carbone. L’efficacité d’un budget national à conduire le changement doit donc se mesurer aussi bien par les investissements publics réalisés que par les investissements privés qu’il déclenche : c’est tout l’objet du Panorama des financements climat qu’I4CE conduit depuis plusieurs années.

 

Enfin, tout l’enjeu sera de faire d’un tel document un moment de concertation et de débat, et pas uniquement un rapport qui ira sagement dormir sur une étagère. Pour que ce Green Budgeting soit un véritable outil d’évaluation et de débat sur le budget national, un processus politique reste à inventer. En lien, évidemment, avec l’élaboration du projet de loi de finance. A cet égard, en France, la volonté exprimée par le Président de la République aux ONG de faire un bilan annuel des avancées de la France sur le climat, bilan dans lequel le Green Budgeting aurait toute sa place, est une nouvelle encourageante.

Contacts I4CE
Damien DEMAILLY
Damien DEMAILLY
Directeur adjoint Email
Benoît LEGUET
Benoît LEGUET
Directeur général Email
Pour aller plus loin
  • 01/06/2023 Billet d'analyse
    Climat : où sont les économies budgétaires ?

    Comment le gouvernement entend-il financer la hausse de ses dépenses publiques pour le climat ? Suite aux réactions du gouvernement au rapport Pisani-Ferry qui proposait d’utiliser toutes les options dont l’endettement et la hausse des prélèvements obligatoires, faisons une hypothèse : et si le gouvernement misait uniquement sur les options d’économies budgétaires ? Damien Demailly d’I4CE fait une revue des options à disposition du gouvernement pour financer ainsi la transition. Évidemment, toutes sont difficiles à mettre en œuvre et certaines peuvent s’avérer contre-productives. Elles méritent néanmoins d’être explicités et débattues. L’ensemble des options pour financer la transition méritent de l’être.

  • 30/05/2023 Tribune
    Tribune – Transition écologique : « La France devra y consacrer chaque année 22 milliards d’euros de plus qu’en 2021 »

    Combien faut-il investir pour le climat ? Des experts d’horizons variés ont cherché à répondre à cette question importante et en apparence assez simple. Ils sont d’accord pour dire que, public comme privé, il faut investir plus pour réduire les émissions de carbone. Mais ils divergent sur l’ampleur du montant, qui va de 20 à 100 milliards d’euros par an. Faut-il s’inquiéter de cette divergence ? La question est importante car elle alimente deux débats. Le premier concerne l’ampleur de la dépense publique. L’Etat et les collectivités locales devront investir dans les bâtiments et les infrastructures publiques, mais aussi aider les ménages et les entreprises à financer leurs propres investissements. Le second débat est macroéconomique : s’il faut investir davantage, cela implique de produire plus et d’épargner plus tout en consommant moins, ou encore de recourir à des capitaux étrangers – ce qui va affecter la croissance, l’emploi et le niveau des prix.

  • 26/05/2023
    Financement climat : les pavés dans la mare

    Le rapport Pisani-Ferry a jeté un premier pavé dans la mare en estimant à environ 30 milliards d’euros par an le besoin supplémentaire de dépenses publiques pour faire la transition climatique. Et un second pavé en explorant différentes options pour dégager une telle somme, telles que l’endettement et – ce qui a évidemment beaucoup fait parler – la hausse de la fiscalité sur les ménages aisés. Les membres du gouvernement qui ont réagi au rapport ont, malheureusement, omis de commenter le chiffre de 30 milliards. Mais ils ont largement commenté, et rejeté, la hausse de l’endettement et de la fiscalité pour financer ces dépenses.

Voir toutes les publications
Contact Presse Amélie FRITZ Responsable communication et relations presse Email
Inscrivez-vous à notre liste de diffusion :
Je m'inscris !
Inscrivez-vous à notre newsletter
Une fois par semaine, recevez toute l’information de l’économie pour le climat.
Je m'inscris !
Fermer