Le point dur du PNACC3 : la question des moyens

11 décembre 2024 - Billet d'analyse - Par : Guillaume DOLQUES / Dr. Vivian DEPOUES

Le troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC3), fruit de deux ans de travaux préparatoires, est enfin en consultation. Ce document propose une vision relativement complète des défis que pose l’adaptation, de l’état des actions en cours et des pistes d’actions complémentaires. Il ancre notamment une idée centrale : celle de faire de la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC), la référence commune pour toutes les démarches d’adaptation au changement climatique : elle doit permettre d’instaurer un « réflexe adaptation » dans toutes les politiques et tous les investissements sensibles au changement climatique (cf. le cahier d’acteur I4CE pour notre analyse de cette dynamique). En revanche, ce projet de PNACC reste relativement succinct sur le volet économique : il ne contient ni vision d’ensemble des moyens actuellement engagés pour l’adaptation ni de vrai budget associé aux mesures. Pourtant nos travaux récents montrent que si les montants de l’adaptation dépendront avant tout des choix collectifs qui restent à faire, des moyens sont d’ores et déjà nécessaires pour (1) accompagner les différents acteurs (administrations, collectivités, entreprises, ménages) dans leurs démarches et (2) prendre en charge les premiers besoins déjà exprimés notamment en matière de prévention des risques. Deux points sur lesquels le PNACC ne répond que très partiellement et sur lesquels nous revenons dans ce billet.

 

1. Un besoin d’accompagnement partiellement identifié et des moyens constants pour y répondre

L’adaptation est un sujet nouveau pour beaucoup et peut se relever technique et difficile d’appréhension. Par ailleurs, il demande une réelle coordination qui ne se décrète pas mais s’organise et s’anime, ce qui demande du temps et des expertise spécifiques. Ces besoins d’accompagnement sont partiellement identifiés dans le projet de PNACC : la mise en place de la Mission Adaptation en particulier peut être saluée. Cependant, dimensionnée à partir des seuls moyens existants des opérateurs publics (notamment ADEME et CEREMA) elle ne paraît pas à la hauteur des besoins. Ce constat est d’autant plus alarmant que des incertitudes fortes pèsent sur la pérennité des moyens humains des opérateurs qui la composent comme sur ceux d’autres opérateurs jouant un rôle essentiel pour l’adaptation. D’autre part, aucune offre similaire n’existe à ce jour pour les entreprises alors mêmes que les besoins d’accompagnement les concernent également.

 

 

2. Des moyens supplémentaires insuffisants pour prendre en charge les besoins exprimés

Ces dernières années, plusieurs travaux (notamment parlementaires et d’inspections générales, cf. tableau) ont partagé le constat du manque de moyens actuellement dédiés à la prévention des risques. En parallèle, plusieurs démarches ont permis d’affiner l’évaluation économique des besoins supplémentaires pour combler ce déficit. Ceux-ci concernent plusieurs domaines d’intervention comme la prévention des risques d’inondation, de l’érosion du trait de côte ou du retrait-gonflement des argiles. Mis bout-à-bout, l’ordre de grandeur à retenir de ces besoins additionnels se situe de la centaine à quelques centaines de millions d’euros par an (cf. tableau).

 

Face à cette problématique, le PNACC3 fait de la prévention des risques un axe fort : c’est la première mesure du premier axe et la seule explicitement dotée d’un budget additionnel. Celle-ci souligne le besoin d’accroître l’effort en matière de prévention des risques via le soutien des dispositifs nationaux et en particulier du Fonds Barnier et du Fonds Vert et prévoit une augmentation du Fonds Barnier de 75 millions d’euros (pour atteindre 300 millions d’euros). Cette augmentation du Fonds Barnier ne pourra que se révéler insuffisante, surtout dans un contexte de baisse des autres outils de financement disponibles tels que le Fonds Vert (qui devrait passer de 2 à 1 milliard d’euros par an) à destination des collectivités locales. D’autant plus que le Fonds Vert pourrait s’avérer très sollicité puisqu’il est mentionné comme outil principal de financement de 17 mesures du PNACC, dont la mesure relative à la renaturation des villes dont l’enveloppe initiale était estimée lors de la création du Fonds 2022 à 500 M€ par an.

 

Ainsi, la montée en charge des problématiques d’adaptation dans une enveloppe au mieux stable posera de difficiles problématiques d’arbitrage entre les différentes finalités environnementales du Fonds, également conçu pour soutenir les politiques d’atténuation ou de biodiversité. Différentes propositions, comme celles formulées par les parlementaires (par exemple celle-ci) visant à doter le Fonds Barnier de moyens en lien avec les besoins recensés, pourraient être réintégrées au plan. D’autres part, certaines des mesures retenues comme celles portant sur la sécurité civile ou la politique de l’eau auront des implications budgétaires qui gagneraient à être déjà explicitées et intégrées aux futures lois de finances.

 

3. Le PNACC3 n’est qu’une première étape : les grands arbitrages budgétaires pour l’adaptation restent à instruire

Plusieurs mesures du PNACC et notamment celles organisant les analyses de vulnérabilité et la remontée d’information ne constituent qu’une première étape qui devra permettre de mettre en débat des besoins d’adaptation, puis d’identifier les options de réponses possibles. Il sera alors nécessaire d’organiser la discussion sur ces alternatives pour construire de réelles stratégies d’adaptation et s’assurer de leur financement : les grands débats budgétaires sur l’adaptation sont devant nous et il faudra s’assurer qu’ils peuvent bien s’appuyer sur des scénarios de financement crédibles. Par exemple, il pourrait être demandé au Conseil d’Orientation des Infrastructures d’élaborer et de chiffrer – sur la base des études de vulnérabilité – différents scénarios d’adaptation des principaux réseaux pour nourrir les discussions sur le financement des infrastructures de mobilité.

 

Lire notre contribution complète

 

Tableau : Évaluation existantes des besoins en matière de prévention

Inondations / collectivités locales

 

  • Le rapport Langreney (2024) préconise de rehausser de 180 M€/an les montants en matière de prévention des risques dont 105 M€/an pour le Fonds Barnier.
  • Face à une augmentation attendue des conséquences économiques des inondations (à hauteur de 38 % en 2050), I4CE (2022) préconisait d’augmenter le Fonds Barnier dans la même proportion soit de 123 M€/an.
  • En se basant sur ses deux rapports d’information relatifs à la soutenabilité du régime CatNat (2023 et 2024), la sénatrice C. Lavarde propose dans un amendement au PLF2025 de rehausser de 130 M€/an les crédits relatifs à la politique de prévention des risques naturels (hors RGA).

 

Érosion du trait de côte

 

  • La mission IGEDD et IGA (2024) relative au financement des conséquences du recul du trait de côte évalue à 250 millions d’euros le besoin sur les 25 prochaines années pour la création d’un dispositif de solidarité nationale de prise en charge de certains des bâtiments identifiés comme à risque.
  • Le rapport Langreney (2024) retient un chiffre plus large : Il en découle que l’enveloppe de financement à constituer sur 30 ans nécessaire pour le rachat des biens concernés oscille entre 50 et 150 M€ par an, selon les scénarios climatiques la grille d’évaluation des biens et les horizons de temps considérés.

 

Retrait-Gonflement des argiles / adaptation des particuliers

 

  • Le rapport Langreney (2024) préconise de rehausser de 180 M€/an les montants en matière de prévention des risques dont 74 M€/an pour la création d’un nouveau Fonds d’adaptation pour les particuliers en priorité pour répondre au risque de RGA.
  • En faisant le parallèle entre le poids des indemnisations relatives au RGA et au risque d’inondation, le sénateur V. Ledoux (2023) évalue au minimum à 100 M€/an les besoins en matière de prévention du risque de RGA.
  • En se basant sur ses deux rapports d’information relatifs au régime CatNat (2023 et 2024), la sénatrice C. Lavarde propose dans un amendement au PLF2025 de créer une nouvelle action dotée de 100 M€/an pour le financement de la prévention du risque de RGA.

 

 

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