Pensez à la maison, pas aux briques : répondre à l’Inflation Reduction Act par un plan européen d’investissement de long terme dans les technologies propres

9 février 2023 - Point Climat - Par : Thomas PELLERIN-CARLIN

Ce rapport est disponible uniquement en anglais

 

L’Union européenne a longtemps pensé qu’elle mènerait la course aux technologies propres parce qu’elle était la seule à y participer. Elle s’est trompée. La Chine a démontré sa capacité à agir de manière décisive. Le Japon, la Corée, le Canada et l’Inde sont également entrés dans la course. Et avec l’Inflation Reduction Act (IRA), les États-Unis rattrapent rapidement leur retard.

 

L’IRA contient un plan d’investissement de long terme pour le climat, qui prévoit un financement public important (400 à 800 milliards de dollars), une prévisibilité à long terme (10 ans), la simplicité d’un système unique au niveau fédéral et un soutien tout au long de chaînes d’approvisionnement.

 

L’IRA est une prise de conscience pour l’UE, où il n’existe pas encore de plan d’investissement climatique comparable. Pour se hisser au niveau de l’IRA, l’UE ne doit pas jeter ses décisions passées par-dessus bord. Bien au contraire, elle doit réaliser ce qu’elle a prévu, et plus encore.

 

L’UE est bien placée pour prendre la tête de la course mondiale aux technologies propres et saisir les opportunités de la transformation verte, d’une manière qui profite à l’action climatique mondiale, à la souveraineté de l’UE et à sa prospérité économique. Elle peut s’appuyer sur des investissements privés croissants dans les technologies propres, des projets d’usines de la cleantech sur l’orientation politique définie par le plan industriel pour le Pacte Vert (Green Deal Industrial Plan) présenté par la Commission européenne en février 2023.

 

Cette note soutient que, pour répondre à l’IRA, les décideurs politiques européens doivent penser à construire la maison, et non seulement débattre d’une brique. La meilleure réponse politique de l’UE est un plan d’investissement climatique à long terme. Comme l’appétit politique pour un tel plan est actuellement limité, la Commission européenne devrait profiter de l’élan politique autour de l’IRA et des technologies propres, pour proposer un plan d’investissement ciblé qui se concentre sur le développement, le passage à l’échelle, la fabrication et le déploiement des technologies propres dans l’UE, de la fabrication de panneaux solaires à celle de l’acier vert.

 

Ce plan d’investissement dans les technologies propres devrait être présenté avant l’été 2023, dans le contexte de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel de l’UE. S’inspirant de caractéristiques positives de l’IRA, il devrait fournir un soutien public conséquent, par le biais de programmes à l’échelle continentale, avec une prévisibilité sur le long terme et tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

 

Trois premières briques peuvent déjà être posées pour construire cette maison :

 

  • La finalisation et la mise en œuvre ambitieuses de l’ensemble du paquet législatif « Fit For 55 » sont essentielles pour que l’UE joue sur ses forces : des réglementations prévisibles et ambitieuses et une tarification carbone.

 

  • Les États membres devraient accroître leur soutien aux déploiements de technologies propres, notamment par le biais de marchés publics écologiques. Le programme NextGenerationEU devrait être davantage utilisé à cet effet.

 

  • La Commission européenne devrait créer des régimes de soutien aux technologies propres à l’échelle de l’UE en s’inspirant de certaines excellentes caractéristiques de l’IRA, telles que sa prévisibilité et sa large couverture géographique. Le lancement prévu d’un appel d’offres à l’échelle de l’UE pour soutenir la production d’hydrogène renouvelable est une étape positive, et devrait être utilisé comme pilote pour développer des programmes similaires pour d’autres technologies.

 

À l’aube des élections européennes de mai 2024 et au crépuscule de NextGenerationEU, un tel plan d’investissement dans les technologies propres pourrait amener l’UE à avancer vers un débat encore plus ambitieux : un plan d’investissement de long terme pour le climat. Celui-ci inclurait et irait au-delà des technologies propres, pour garantir que les investissements européens, nationaux et privés transforment tous les objectifs du Green Deal en réalité tangibles pour les entreprises, les travailleurs et les familles.

Pour aller plus loin
  • 12/12/2025 Billet d'analyse
    Paris +10 : l’action climat plus que jamais nécessaire pour assurer notre sécurité, notre souveraineté, notre compétitivité, et la soutenabilité de nos finances publiques

    Qu’il semble loin, le 12 décembre 2015. Toutes les délégations à la COP21 se rangeaient alors derrière le petit marteau vert (en bois jurassien) de Laurent Fabius. Dix ans plus tard, la mode est plutôt au backlash.  La lutte contre le changement climatique peut désormais être décrite dans le débat public comme trop coûteuse car nécessitant des investissements conséquents. Inefficace, la part de nos émissions dans les émissions mondiales étant faible. Injuste, car venant amputer le pouvoir d’achat. Trop clivante, et voulue par une partie de l’électorat uniquement. Trop tardive, maintenir la planète sous +2°C de réchauffement semblant désormais hors de portée. Autant d’arguments qui sont pour partie vrais. Mais nécessitent pour autant d’être fortement nuancés. 

  • 05/12/2025
    L’objectif de 2035 est essentiel pour soutenir la transition de l’industrie automobile française

    Il y a deux ans, la France mettait un coup d’accélérateur en faveur de la voiture électrique. Le Président de la République et le gouvernement inauguraient plusieurs « gigafactories », ces grandes usines de production de batteries, dans les Hauts-de-France. Avec le soutien financier de l’État, les constructeurs automobiles français et les spécialistes de l’industrie des batteries s’associaient pour créer la « vallée des batteries ». Avec une ambition : produire en France 2 millions de véhicules électriques d’ici 2030. 

  • 02/12/2025 Tribune
    Maintenons l’ambition européenne de 2035 pour soutenir l’industrie automobile

    L’objectif de 100 % de ventes de véhicules à émissions nulles d’ici 2035 est accusé de creuser la tombe de l’industrie automobile européenne. Pour Benoît LEGUET, c’est au contraire la clé de la compétitivité future de la filière. Sous conditions. Haro sur l’objectif européen de 2035. Trois ans après son adoption, les constructeurs automobiles réclament sa révision, et demandent à autoriser les véhicules hybrides rechargeables et ceux fonctionnant aux biocarburants. Entre autres modifications qui conduiraient à permettre de continuer à vendre des véhicules thermiques après 2035.

Voir toutes les publications
Contact Presse Amélie FRITZ Responsable communication et relations presse Email
Inscrivez-vous à notre liste de diffusion :
Je m'inscris !
Inscrivez-vous à notre newsletter
Une fois par semaine, recevez toute l’information de l’économie pour le climat.
Je m'inscris !
Fermer