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Climat : un budget qui pare au plus pressé

27 septembre 2022 - Billet d'analyse - Par : Damien DEMAILLY

Le gouvernement a rendu public hier son projet de budget 2023 et son projet de loi de programmation des finances publiques, qui donne à voir la trajectoire budgétaire de la France sur toute la durée du quinquennat. Un budget qui pare au plus pressé, avec notamment les 45 milliards d’euros du bouclier tarifaire. Et avec plusieurs milliards d’investissements publics, a priori additionnels, pour commencer à répondre au sous-investissement chronique de la France dans la production d’énergie décarbonée, les économies d’énergie voire l’adaptation au changement climatique. Un budget qui pare au plus pressé, mais n’apporte pas – encore – de réponse structurelle, pérenne, à ce sous-investissement. 

 

A la racine de la crise actuelle : un sous-investissement chronique

 

Avec le bouclier tarifaire ou l’assurance agricole, l’État paye le coût du sous-investissement de la France dans la transition. Chaque année, les entreprises, les ménages, l’État ou encore les collectivités n’investissent pas suffisamment dans les infrastructures de transport, la rénovation des bâtiments ou encore certaines énergies renouvelables. Et ce depuis longtemps. Nous publierons mi-octobre nos nouveaux chiffres sur ce déficit d’investissement. La loi sur les énergies renouvelables et celle à venir sur le nucléaire sont censées répondre au volet « production d’énergie » de ce déficit d’investissement. Et le budget 2023 apporte de nouveaux éléments de réponse pour le volet « consommation d’énergie ». Alors que France 2030 continue à se déployer pour aider l’industrie à faire sa transition, des crédits nouveaux sont annoncés pour la rénovation, les pistes cyclables, le leasing social de véhicules électriques ou encore pour soutenir les investissements des collectivités. Au total, les crédits budgétaires du ministère de la Transition écologique passent de 21,5 milliards d’euros en 2022 – hors plan de relance – à 27,4 en 2023.

 

A ce stade, ces nouveaux crédits sont à prendre encore avec des pincettes. Une partie de la hausse du budget consacré à l’écologie s’explique par le bouclier tarifaire, et il faudra explorer dans le détail les annexes budgétaires lorsqu’elles seront publiées pour bien comprendre, par exemple, quels crédits s’ajoutent ou se substituent à ceux du plan de relance qui arrive à échéance. Mais si l’augmentation des crédits se confirme, alors c’est un effort à saluer.

 

L’effort d’investissement public devra se faire dans la durée

 

L’effort d’investissement public, néanmoins, devra être fait dans la durée. Il y a certes l’urgence, le budget 2023, mais accélérer les investissements est une course de fond, sur plusieurs années voire plusieurs décennies. Cela se prépare. Or, à ce stade, on sait peu de choses sur la planification des investissements publics sur l’ensemble du quinquennat. La loi de programmation des finances publiques, qui est pourtant là pour définir la trajectoire budgétaire 2023-2027 de la France, est peu diserte sur la quantité d’investissements et sur leur qualité, c’est-à-dire sur l’évaluation de leur efficacité à réduire les émissions. Elle mentionne l’investissement dans la transition écologique comme l’une des priorités sans toutefois préciser combien, par qui et pour quoi faire. On y apprend tout de même que les crédits du Ministère de l’écologie, s’ils augmentent en 2023, auraient vocation à baisser ensuite légèrement les années suivantes. Aucune référence au chiffre de 50 milliards d’euros de crédits budgétaires nouveaux, que le Président de la République s’était engagé – pendant la campagne présidentielle – à mobiliser sur le quinquennat pour investir dans la rénovation des logements, les transports, la chaleur renouvelable ou encore l’adaptation. En plus des investissements réalisés par les banques publiques.

 

La discussion avec les parlementaires va être l’occasion pour le gouvernement d’enrichir la loi de programmation des finances publiques. Et le gouvernement a promis de remédier à l’absence de planification des investissements dans les mois à venir. En 2023, la France adoptera sa loi de programmation énergie-climat, et celle-ci est censée être dotée d’un volet de financement pluriannuel. Une nécessité pour donner de la crédibilité aux objectifs que la France se fixe et inciter les acteurs privés à investir à se joindre à l’effort d’investissement.

 

Collectivités et adaptation : gérer l’urgence, préparer la suite

 

Avec le Fonds vert de 1.5 milliards d’euros pour les collectivités, dont jusqu’à 375 millions décaissés en 2023, le projet de budget s’attaque au sous-investissement des collectivités. C’est une bonne nouvelle, même si là aussi on peut regretter l’absence de réponse pérenne à ce problème. A l’évidence, 375 millions d’euros ne suffiront pas alors que les collectivités doivent investir de l’ordre de 10 milliards d’euros chaque année, qu’elles doivent dans le même temps encaisser le choc de leurs factures énergétiques, et sont appelées à réduire leurs dépenses. Pour répondre à ce triple défi, l’État et les collectivités ont tout intérêt à saisir l’occasion des concertations en cours sur la planification écologique et sa territorialisation, pour discuter clairement de la répartition entre elles de l’effort d’investissement public. La question à laquelle ils ont à répondre, sur la base d’un constat chiffré et partagé, est : qu’est-ce que les différentes strates de collectivités prennent à leur compte, et qu’est-ce que l’État les aide à financer ? I4CE publiera mi-octobre des éléments de chiffrage pour appuyer cette discussion.

 

Enfin, le budget 2023 tire les premières leçons de l’été que la France vient de traverser. Un examen complémentaire devra être mené quand les détails du budget seront connus, mais il semble bien que des moyens supplémentaires seront alloués à la gestion des crises climatiques et en particulier à la sécurité civile, ou encore à l’assurance agricole. C’est une excellente chose. La France doit être en capacité de répondre aux urgences, de mieux gérer les crises. Elle doit aussi, en parallèle, réduire sa vulnérabilité aux changements climatiques, atténuer les crises avant qu’elles ne surviennent, avec des infrastructures, des territoires et une économie mieux adaptés. Quels moyens le budget 2023 consacre à la prévention des crises ? On n’en sait malheureusement pas grand-chose pour l’instant, et les documents budgétaires plus détaillés devront être scrutés de près. Si la hausse des moyens de Météo-France ou encore des agences de l’eau se confirme, ce serait une première étape. Mais tant de choses restent à faire : I4CE a recensé un premier ensemble de dix-huit mesures pouvant être mises en œuvre dans le cadre du budget 2023 pour un surcoût de 2,3 milliards d’euros.

 

Les moyens financiers dans la future loi de programmation énergie-climat

 

I4CE a également identifié dans le budget 50 milliards par an d’investissements publics qui pourraient bien se révéler rapidement inadaptés, à l’image de certains lycées dans lesquels les élèves de terminal n’ont pu passer au mois de juin leur baccalauréat dans de bonnes conditions. Pour ne pas seulement gérer l’urgence, il faudrait que 100% des investissements publics réalisés aujourd’hui soient adaptés au climat futur. C’est la manière la moins couteuse de s’adapter, la plus efficace du point de vue de la dépense publique. Pour s’en assurer, une première étape pourrait être de lancer une mission parlementaire pour passer en revue les politiques d’adaptation de tous les opérateurs qui investissent de l’argent public.

 

Avec son projet de budget 2023, le gouvernement pare au plus pressé. Les discussions avec le Parlement, les multiples concertations actuelles avec les filières économiques et les collectivités, et l’approche de la loi de programmation énergie climat sont autant d’opportunités pour se projeter vers l’avenir. Et planifier.

Pour aller plus loin
  • 14/11/2025
    Climat : les collectivités outillées pour accélérer au prochain mandat

    À la veille du Congrès des maires, l’heure est au bilan pour les collectivités. Le mandat qui se clôture a été largement positif pour la transition des territoires. Grâce au volontarisme de leurs élus et techniciens, de nombreuses collectivités construisent depuis plusieurs années les territoires bas-carbone et résilients de demain. Beaucoup se sont aussi engagées dans une démarche de budgétisation verte visant à mieux faire rentrer l’évaluation de l’impact environnemental des choix politiques au cœur de la discussion budgétaire. En 2023, les collectivités ont ainsi investi près de 8 milliards d’euros pour développer les infrastructures de report modal, rénover leur patrimoine et électrifier leurs véhicules – soit une hausse de 42 % par rapport à 2017.  

  • 14/11/2025 Billet d'analyse
    Climat : où en sont les investissements des collectivités ?

    Porteuses des deux tiers de l’investissement public civil, les collectivités locales jouent un rôle déterminant pour réussir la transition bas-carbone. Le prochain mandat municipal sera décisif pour atteindre les objectifs climat que la France s’est fixée à l’horizon 2030.  À l’heure des débats sur le projet de loi de finances 2026 et à la veille du Congrès des maires, les marges de manœuvre budgétaires des territoires suscitent de nouvelles interrogations. Les analyses d’I4CE montrent que les investissements des collectivités en faveur du climat ont progressé depuis 2017, mais cette dynamique pourrait marquer le pas en cette fin de mandat. Par ailleurs, les montants engagés demeurent encore insuffisants au regard des besoins identifiés pour contribuer aux objectifs nationaux de réduction des gaz à effet de serre. Le prochain mandat doit donc être celui d’un changement d’échelle. Pour réussir, État et collectivités doivent changer de méthode afin d’activer pleinement les leviers existants et renforcer l’action locale en faveur de la transition.  

  • 13/11/2025 Billet d'analyse
    De la bonne utilisation des annexes vertes

    Les collectivités présentent depuis cette année l’impact de leurs dépenses sur l’environnement dans une annexe à leur compte administratif. Les résultats consolidés de ces « annexes vertes » ne sont pas encore publics, mais devront en tout état de cause être manipulés avec précaution. Que pourra-t-on en dire ? Comment les données issues de ces annexes pourront-elles être articulées avec d’autres évaluations utilisées dans le débat public ? En bref, comment les utiliser à bon escient ? Ce billet ouvre la discussion. 

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