Rénovation énergétique des logements : modérer le besoin de financements publics n’aura rien d’évident

24 avril 2024 - Billet d'analyse - Par : Maxime LEDEZ

La volonté du gouvernement de réduire rapidement le déficit public, sans augmentation d’impôts et donc en réduisant fortement la dépense publique, a fait une première victime : le budget de l’aide MaPrimeRénov’ accordée aux ménages pour la rénovation énergétique de leurs logements. Le marché de la rénovation globale étant encore peu structuré, notamment en matière d’accompagnement, l’État prévoit de ne pas consommer l’enveloppe budgétaire actée en loi de finances et l’entérine dès ce début d’année. Mais la question de la dépense publique reviendra très vite sur la table, plusieurs rapports pointant un besoin de financements publics en forte hausse d’ici 2030. La bonne nouvelle est que le gouvernement peut espérer modérer ce besoin en mobilisant davantage les financements privés. La mauvaise est que pour cela il doit utiliser d’autres leviers de politique publique dont la mise en œuvre ne sera pas une mince affaire.

 

Vu les objectifs, des financements publics pour la rénovation qui iraient crescendo…

Laissons de côté le débat actuel sur la coupe du budget 2024 de MaPrimeRénov’. Le véritable enjeu est de savoir comment la France va pouvoir financer la rénovation énergétique de son parc de logements, dès 2025 et dans les années à venir. Tout en ayant conscience que certains obstacles, non abordés dans ce billet d’analyse, persistent, notamment en ce qui concerne le besoin d’accompagner et de reloger les ménages lors de certains travaux de rénovation globale.

 

Plusieurs rapports ont mentionné un besoin de financement public bien plus élevé dans les années à venir pour soutenir les ménages dans leur rénovation énergétique et respecter les objectifs de la planification écologique.

 

En particulier, la mission Sichel a souligné la nécessité d’accompagner les ménages dans leurs projets de rénovation, mais aussi de leur apporter un soutien financier plus conséquent pour les inciter et leur permettre de passer à l’action. Si l’on souhaite rénover de manière performante les 4,8 millions de passoires thermiques en dix ans, les ménages devraient percevoir en moyenne chaque année 9 milliards d’euros de subventions. À titre de comparaison, les subventions au titre de MaPrimeRénov’ et des Certificats d’économies d’énergie (CEE) représentent ces dernières années 4 à 5 milliards d’euros par an. Plus récemment, la mission Pisani-Mahfouz partage le même diagnostic, avec un besoin de dépenses publiques bien plus élevées dans le cadre de la planification écologique.

 

Comment le gouvernement peut-il concilier son ambition en termes de rénovation énergétique et son objectif de maitrise des dépenses publiques ? Parmi les multiples pistes, explorons-en trois.

 

Des pistes de prime abord simples pour modérer le besoin d’argent public

La première serait de renoncer aux objectifs de rénovations globales, et de réserver les subventions aux rénovations les plus « coût-efficaces », typiquement la seule installation de pompes à chaleur en remplacement des chaudières gaz et fioul. Selon l’Observatoire national de la rénovation énergétique, alors que les installations de pompes à chaleur représentent environ 30 % du montant des travaux aidés par MaPrimeRénov’ en 2022, elles représentent 52 % des économies d’énergie et 60 % des réductions des émissions de gaz à effet de serre de tous les travaux aidés.

 

Mais encourager la décarbonation par les seules pompes à chaleur ne serait qu’une solution en trompe l’œil. Le parc de logements nécessiterait alors beaucoup d’électricité, tandis qu’il en faudrait aussi bien plus pour notre industrie et nos déplacements. D’après RTE, l’accélération progressive de l’isolation des bâtiments est une des conditions pour le déploiement des pompes à chaleur. Ainsi, la consommation électrique dans le résidentiel augmenterait à la marge d’ici 2030, et la pointe électrique resterait limitée. Le choix de soutenir uniquement la décarbonation du chauffage saperait la planification écologique, et pourrait s’avérer par ailleurs coûteuse pour les finances publiques, tant il faudra soutenir davantage de nouvelles capacités de production électrique.

 

La deuxième piste consiste à mobiliser les banques pour qu’elles accordent plus de prêts à taux zéro à tous les ménages, et en particulier aux plus modestes. Les ménages n’auraient pas à puiser dans leur épargne pour lancer des travaux, et les économies d’énergie rembourseraient à elles seules les mensualités du prêt.

 

Même si cette solution reste simple sur le papier, elle n’a rien d’évident. D’abord, les ménages en situation de précarité énergétique percevraient des gains de confort, mais peu ou pas d’économies d’énergie qui rembourseraient à elles seules les prêts. Et jusqu’à présent, les banques tendent à considérer ces prêts aux ménages comme coûteux et peu rémunérateurs. Face à cela, l’État pourrait garantir ces prêts pour limiter le risque perçu, ou rémunérer davantage les banques… ce qui nécessite encore des financements publics. Il peut aussi recourir à la voie réglementaire pour contraindre les banques à proposer de tels prêts. Cependant, une simple réglementation affecterait la capacité des banques à dégager des marges, et serait répercutée sur les épargnants ou le financement d’autres projets.

 

La troisième piste est d’obliger, par la réglementation, les propriétaires à financer par eux-mêmes la rénovation de leurs logements. Des règles existent déjà pour les passoires thermiques mises en location, qui pousse les propriétaires bailleurs à rénover. Selon un sondage d’octobre 2023, 59 % d’entre eux pensent qu’ils vont devoir rénover leurs logements dans les prochaines années, en réaction aux nouvelles restrictions de location des logements. Pour toucher plus de logements, l’État pourrait étendre la réglementation à d’autres situations, surtout en ciblant les moments les plus opportuns à la rénovation globale, en particulier lors des changements de propriétaire.

 

Là aussi, cette solution simple en apparence ne l’est pas dans la pratique : la contrainte n’a pas le vent en poupe actuellement, c’est un euphémisme. Mais de telles mesures réglementaires nécessiteraient de prévoir des modalités de contrôle et de sanction, et auraient des conséquences sur le marché immobilier. En particulier, les ménages modestes risqueraient d’avoir moins accès à la propriété, et les propriétaires de passoires thermiques voir leur maison perdre de la valeur sur le marché.

 

L’heure des choix

Comme nous venons de le voir, concilier un programme de rénovation ambitieux avec un usage modéré des finances publiques n’a rien d’évident. Mobiliser des financements privés, que ce soit de la part des ménages ou des banques, ne se fait pas par un coup de baguette magique mais en ayant recours à des outils de politique publique qui ont aussi leurs défauts et leurs difficultés de mise en œuvre. Très rapidement, le gouvernement aura des choix à faire en la matière.

 

Outre son projet de budget pour 2025, il doit en effet présenter d’ici l’automne sa stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique, dans laquelle le financement de la rénovation sera particulièrement scrutée.

Pour aller plus loin
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    Consultation PNACC – Cahier d’acteur I4CE

    Après deux années de travaux préparatoires, le projet du troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC3) a été présenté en octobre 2024. Afin d’enrichir ce Plan, une large consultation publique a été lancée, invitant les acteurs institutionnels à soumettre un « cahier d’acteur ». I4CE a souhaité déposer un cahier qui reflète l’avis de l’institut sur les avancées apportées par le Plan et les faiblesses identifiées. Il s’appuie sur la participation d’I4CE aux différents groupes de travail constitués pour préparer le PNACC3, sur les études menées par I4CE et sur les expertises sectorielles internes.

  • 11/12/2024 Billet d'analyse
    Le point dur du PNACC3 : la question des moyens

    Le troisième Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC3), fruit de deux ans de travaux préparatoires, est enfin en consultation. Ce document propose une vision relativement complète des défis que pose l’adaptation, de l’état des actions en cours et des pistes d’actions complémentaires. Il ancre notamment une idée centrale : celle de faire de la TRACC la référence commune pour toutes les démarches d’adaptation au changement climatique : elle doit permettre d’instaurer un « réflexe adaptation » dans toutes les politiques et tous les investissements sensibles au changement climatique (cf. le cahier d’acteur I4CE pour notre analyse de cette dynamique). En revanche, ce projet de PNACC reste relativement succinct sur le volet économique : il ne contient ni vision d’ensemble des moyens actuellement engagés pour l’adaptation ni de vrai budget associé aux mesures. Pourtant nos travaux récents montrent que si les montants de l’adaptation dépendront avant tout des choix collectifs qui restent à faire, des moyens sont d’ores et déjà nécessaires pour (1) accompagner les différents acteurs (administrations, collectivités, entreprises, ménages) dans leurs démarches et (2) prendre en charge les premiers besoins déjà exprimés notamment en matière de prévention des risques. Deux points sur lesquels le PNACC ne répond que très partiellement et sur lesquels nous revenons dans ce billet.

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