Rénovation énergétique : une (bonne) prime ne suffit pas

16 octobre 2020 - Tribune - Par : Hadrien HAINAUT / Maxime LEDEZ

Si le plan du gouvernement entend mettre la rénovation des logements sur la trajectoire de la neutralité carbone, il faudra aller bien au-delà de la refonte du dispositif MaPrimeRenov’. Hadrien Hainaut et Maxime Ledez explorent le potentiel d’un cumul plus judicieux des aides et des prêts, des tiers de confiance territoriaux, et de l’animation des groupements d’artisans.

 

Le gouvernement a souhaité inscrire son plan “France Relance” sous l’égide de la neutralité carbone à l’horizon 2050, en commençant par rattraper d’ici deux ans le retard pris sur la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Il entend pour cela donner un nouveau souffle à la rénovation des logements. Si près de deux millions de ménages entreprennent chaque année des travaux d’entretien dans leur logement, bien peu aboutissent à réduire effectivement les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Le gouvernement souhaite porter le nombre de rénovations annuelles à 500 000 (objectif du Plan Climat 2017) et en accroître considérablement la performance.

 

Aujourd’hui, les rares rénovations qui parviennent à réduire drastiquement les consommations d’énergie et les émissions procèdent de façon globale, le plus souvent en isolant les murs et la toiture, en changeant le système de chauffage et en installant une ventilation efficace. Mais ces travaux coûtent de l’ordre de 50 000 euros pour une maison, bien plus que ce que la majorité des ménages se disent prêts à consacrer, en moyenne, à leur projet de rénovation. Et aux prix actuels de l’énergie, les économies d’électricité et de combustible ne rentabilisent un tel investissement qu’après plusieurs dizaines d’années.

 

 

La nouvelle prime ne change pas la donne pour la rénovation globale et performante

Dans son plan présenté fin septembre, le gouvernement propose de consacrer 2 milliards d’euros supplémentaires à MaPrimeRénov. La prime devient accessible à tous les propriétaires qui occupent leurs logements, et le barème s’enrichit d’un forfait dédié à la rénovation globale, ce qui est une première au niveau national. Cependant, nous estimons que ce nouveau forfait aura peu d’impact. En effet, le plafond de ce forfait, initialement annoncé à 20 000 euros, est finalement fixé à 7 000 euros pour les tranches de revenus intermédiaires, et 3 500 euros pour les revenus supérieurs. C’est bien peu en comparaison du coût complet d’un programme de travaux ambitieux. De plus, bien qu’il soit possible de cumuler cette prime avec celle des certificats d’économie d’énergie (CEE), ou avec diverses aides locales, les démarches sont souvent si complexes que les ménages ne s’y retrouvent pas, tandis que les professionnels de l’accompagnement y perdent un temps précieux. Enfin, ce forfait est proposé à toutes les rénovations économisant au moins 55% d’énergie finale (sans augmenter les émissions). Un tel critère n’encouragera pas les ménages à viser le niveau « bâtiment basse consommation » qui constitue pourtant l’horizon à atteindre dans la stratégie nationale. En d’autres termes, ces logements seront donc à rénover une seconde fois d’ici 2050.

 

Lire l’article sur L’Usine nouvelle

Contacts I4CE
Hadrien HAINAUT
Hadrien HAINAUT
Responsable d'unité – Panorama des financements climat, Transition énergétique et prospective Email
Maxime LEDEZ
Maxime LEDEZ
Chercheur – Panorama des financements climat, Bâtiment Email
Pour aller plus loin
  • 26/04/2024
    Coupes budgétaires : le retour de la fin du monde contre la fin du mois

    Le vent a tourné. Après avoir annoncé 10 milliards de plus pour financer sa planification écologique dès 2024, le gouvernement a réalisé en urgence plusieurs coupes budgétaires pour contenir le déficit public de la France, à commencer par le budget de la rénovation énergétique et le Fonds Vert dédié aux collectivités. La tension entre la réduction du déficit public et le financement de la transition écologique est là pour durer, alors même que la France va devoir rénover toujours plus de bâtiments publics et de logements privés, construire toujours plus de RER métropolitains, aider toujours plus les agriculteurs à faire leur transition, s’adapter toujours plus aux conséquences du réchauffement climatique… C’est le retour de la fin du monde contre la fin du mois.

  • 24/04/2024 Billet d'analyse
    Rénovation énergétique des logements : modérer le besoin de financements publics n’aura rien d’évident

    La volonté du gouvernement de réduire rapidement le déficit public, sans augmentation d’impôts et donc en réduisant fortement la dépense publique, a fait une première victime : le budget de l’aide MaPrimeRénov’ accordée aux ménages pour la rénovation énergétique de leurs logements. Le marché de la rénovation globale étant encore peu structuré, notamment en matière d’accompagnement, l’État prévoit ne pas consommer l’enveloppe budgétaire actée en loi de finances et l’entérine dès ce début d’année. Mais la question de la dépense publique reviendra très vite sur la table, plusieurs rapports pointant un besoin de financements publics en forte hausse d’ici 2030. La bonne nouvelle est que le gouvernement peut espérer modérer ce besoin en mobilisant davantage les financements privés. La mauvaise est que pour cela il doit utiliser d’autres leviers de politique publique dont la mise en œuvre ne sera pas une mince affaire.

  • 03/04/2024 Tribune
    Comptes publics : n’écartons aucune option

    Pour redresser les comptes publics et assurer la planification écologique, le directeur de l’Institut de l’économie pour le climat, Benoît Leguet, estime que l’exécutif peut activer cinq leviers. « Nous avons mis en place une stratégie unique, pionnière, jamais mise en place dans un grand pays industriel : la planification écologique. Domaine par domaine, nous nous sommes fixé des objectifs et nous nous donnons les moyens de les atteindre. Notre feuille de route est claire : baisser de 55 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. ». Ces mots sont de Gabriel Attal, le 28 mars, au Muséum d’histoire naturelle.

Voir toutes les publications
Contact Presse Amélie FRITZ Responsable communication et relations presse Email
Inscrivez-vous à notre liste de diffusion :
Je m'inscris !
Inscrivez-vous à notre newsletter
Une fois par semaine, recevez toute l’information de l’économie pour le climat.
Je m'inscris !
Fermer