Les recommandations d’I4CE pour le projet de loi de finances 2026
Mi-juillet, le premier ministre révèlera les premiers grands arbitrages de son gouvernement sur le budget 2026 de la France. On devrait alors en savoir (un peu) plus sur le sort réservé aux dépenses et à la fiscalité qui concourent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à l’adaptation du pays aux changements climatiques. Et sur la manière dont le gouvernement entend concilier réduction du déficit d’une part et maintien de la dynamique d’investissement pour le climat d’autre part. Pour mémoire, le budget 2025 avait été adopté dans la douleur, et avec plusieurs baisses importantes des crédits budgétaires favorables à la transition.
Cette année encore, l’exercice n’aura rien d’évident d’autant plus que, comme le révèle la dernière édition de notre Panorama des financements climat, les investissements climat ont reculé de 5% en 2024 et pourraient stagner en 2025. Hors année COVID, cela fait 10 ans que les investissements climat réalisés par les entreprises, les ménages, les collectivités et l’État n’avaient pas connu de baisse.
Nous avons compilé, dans ce billet, l’ensemble des recommandations d’I4CE pour le budget 2026. Des recommandations de court terme, à actionner dès le PLF2026 et qui partent des options qui sont actuellement sur la table, mais aussi des recommandations pour préparer la suite, relancer les moteurs d’investissement et se remettre sur une trajectoire cohérente avec la planification écologique.
Ces recommandations sont issues d’une première analyse des dépenses de l’État avec une humble méthode développée par I4CE de budget climat base zéro. Son principe est simple : plutôt que de couper les dépenses de ceux qui crient le moins fort, elle invite à poser successivement trois questions pour chaque dépense : l’investissement soutenu est-il le plus utile, le plus rentable collectivement ? Peut-il être soutenu sans avoir recours à de la subvention, par exemple en activant d’autres leviers réglementaires ou fiscaux sur ceux qui ont les moyens d’en supporter le coût ? S’il est nécessaire d’accorder une subvention, comment maximiser l’effet déclencheur de chaque euro public et réduire les effets d’aubaine ? Nous avons appliqué cette grille d’analyse aux dépenses qui concourent à la transition climat mais elle devrait aussi s’appliquer, c’est une évidence bonne à rappeler, à toutes les dépenses et en particulier aux dépenses qui vont à l’encontre de cette transition.
De cette trentaine de recommandations faites secteur par secteur, ligne budgétaire par ligne budgétaire, ressortent quatre messages généraux.
Le premier est particulièrement important à un an des élections municipales, suite auxquelles s’amorcera un nouveau cycle d’investissement local. C’est concrètement l’an prochain que des milliers d’exécutifs locaux décideront de démarrer – ou non – des opérations structurantes : ici une nouvelle ligne de transports collectifs, là une rénovation d’école pour réduire les émissions et l’adapter aux fortes chaleurs. La manière dont le PLF2026 préservera les capacités d’investissements des collectivités, en particulier pour le climat, sera déterminante. Entre couper dans certaines de leurs ressources, et brider leur capacité à s’endetter, il faudra choisir, sous risque perdre sur tous les tableaux. Dans cette équation le montant du Fonds vert n’est qu’un sujet parmi d’autres.
Deuxièmement, il faut le dire, il est possible d’augmenter l’efficience de la dépense publique, de faire mieux avec l’argent disponible. Il existe encore beaucoup, ou tout du moins trop, de dépenses pour lesquelles les débats se limitent à des centaines de millions en plus ou en moins, alors même que leur efficacité pour le climat est discutable et pourrait être améliorée. C’est vrai en particulier pour la forêt, pour l’agriculture, mais aussi pour les dotations de soutien aux collectivités locales dont les modalités de gestion devraient être revues en profondeur pour être plus efficaces sur le terrain. C’est vrai aussi pour l’ensemble des programmes d’investissement structurants – d’aménagement, de rénovation des bâtiments, de modernisation des infrastructures – qui pourraient contribuer efficacement à l’adaptation s’ils tenaient systématiquement et explicitement compte du climat futur.
Mais s’il est possible de faire mieux avec l’argent disponible, il n’est pas possible de relancer la dynamique d’investissement, et encore moins de tenir les objectifs de la planification écologique, avec moins de crédits budgétaires qu’aujourd’hui. C’est le troisième message. L’efficience a ses limites, surtout face à des marchés qui se développent et doivent encore se développer. Certes les Certificats d’économie d’énergie (CEE), qui sont au cœur des discussions cette année, peuvent permettre de soutenir les investissements sans passer par le budget de l’État. Mais cette débudgétisation se heurte à plusieurs limites : l’impact sur la facture des ménages, le volume de CEE qui sera réellement disponible pour prendre le relais des crédits budgétaires, et les incertitudes sur le prix des certificats. Réduire les enveloppes budgétaires et organiser un transfert massif vers les CEE serait un pari extrêmement risqué, à l’image d’un l’alpiniste en pleine ascension qui quitterait un point d’ancrage solide pour se raccrocher à un autre dont la robustesse n’a pas été testée. C’est malheureusement ce qui semble se profiler.
Enfin l’État ne pourra pas faire l’impasse sur la mise en place, dans et hors budget, de mesures permettant de soutenir la transition tout en contenant ses dépenses publiques. Il devra d’une manière ou d’une autre réduire l’écart de fiscalité entre l’électricité et le gaz, réformer les niches fiscales dont bénéficient les véhicules d’entreprises, mettre en place de quotas nationaux sur les distributeurs de système de chauffage… Et maintenir les principales réglementations existantes, à l’efficacité éprouvée pour stimuler les investissements climat, comme l’objectif de fin de vente de nouveaux véhicules thermiques. La réglementation et la fiscalité sont des leviers de politiques publiques qui font peur, mais si elles sont bien ciblées, si elles reposent sur des acteurs qui ont la capacité d’agir, au moment où ils doivent agir, elles peuvent faire consensus et sont extrêmement efficaces.
Tableau de synthèse des recommandations
PLF-2026-tableau-des-recommandations-I4CE_
Zoom thématiques
- Logements privés
- Bâtiments de l’État
- Mobilité individuelle
- Infrastructures de transport pour le report modal
- Adaptation
- Collectivités
- Agriculture Alimentation
- Forêt Bois
#Logements privés
Contexte : le programme 135 fixe les autorisations d’engagement de l’État pour l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH), qui délivre plusieurs aides au logement dont MaPrimeRenov’, la plus importante en volume (autour de 3,5 milliards d’euros). Les crédits budgétaires ne sont qu’une des ressources de l’ANAH, qui bénéficie aussi d’une partie des recettes de la vente de crédits carbone (ETS1) et de la vente de certificats d’économie d’énergie (CEE). Dans la loi de finances initiale pour 2025, les autorisations d’engagement pour la rénovation des logements atteignent 2,3 milliards d’euros, en baisse par rapport à ce qui a été dépensé en 2024. En cours d’année, le gouvernement a annoncé la suspension, puis la reprise partielle, du traitement des dossiers MaPrimeRénov’ par l’ANAH. Il augmente par ailleurs les revenus tirés de la vente de CEE par la bonification des CEE obtenus par l’ANAH (coup de pouce pour chaque rénovation d’ampleur)
- Réformer les Certificats d’Economie d’Energie. Le report d’une partie du soutien budgétaire vers les CEE, financés par les ménages et les petites entreprises au travers de l’obligation portant sur les énergéticiens, dépend de la capacité du dispositif à absorber une offre supplémentaire. La suppression des fiches CEE jugées trop rentables, ainsi que le projet d’augmenter l’obligation annuelle de 25% à partir de 2026, y contribuent.
- Maintenir néanmoins les crédits budgétaires. Vu les incertitudes sur les CEE et vu la croissance du marché de la rénovation d’ampleur, il est en effet nécessaire – a minima – de stabiliser les crédits budgétaires à leur niveau actuel. Une récente étude du CAE chiffre à 8 milliards d’euros le montant annuel des aides à sanctuariser pour rénover efficacement les logements énergivores. En priorisant les aides aux ménages modestes, les pouvoirs publics s’assurent d’obtenir le meilleur effet déclencheur.
- Prioriser, dans MaPrimeRénov’ et les CEE, les rénovations les plus rentables collectivement. Ces deux dispositifs subventionnent trois types de rénovations : des rénovations d’ampleur, des changements de chauffage et des gestes d’isolation. En termes de rentabilité collective, les premières sont pertinentes dans les passoires énergétiques et les secondes ailleurs. MPR et les CEE doivent poursuivre la réorientation de leurs financements vers ces deux types de rénovation.
- Maintien de l’obligation de rénovation sur les propriétaires bailleurs et du dispositif éco-énergie tertiaire. Ces règlements, qui portent majoritairement sur des ménages et des entreprises capables de les financer, contribuent à mobiliser des fonds privés même en l’absence d’aides publiques.
- Mise en place d’un quota sur les distributeurs de chauffages. Pour encourager la transition vers des systèmes de chauffage moins émetteurs, tout en respectant la diversité des contraintes propres à chaque logement et à chaque territoire, les pouvoirs publics pourraient mettre en place un système national de quotas sur les distributeurs de systèmes de chauffage, similaire à celui qui oriente l’offre des constructeurs automobiles
- Adopter une trajectoire de réduction de l’écart de fiscalité entre l’électricité et le gaz importé, la première étant aujourd’hui deux fois plus taxée que le second, alors même que la France a l’objectif d’électrifier son économie pour réduire ses importations. Le levier fiscal complète, mais ne se substitue pas, aux aides à l’électrification et à la réglementation.
#Bâtiments de l’État
Contexte : les investissements de l’État dans la rénovation de ses bâtiments ne sont pas regroupés dans un programme budgétaire unique, mais ils font l’objet d’un document de politique transversale. Ce dernier estime l’effort en faveur de la rénovation énergétique à 406 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2025.
- Pour réduire le besoin budgétaire lié à la rénovation énergétique des bâtiments publics, la société publique foncière (en cours de structuration) pourrait y consacrer les revenus de la valorisation et de l’optimisation du parc de l’État
#Mobilité individuelle
Contexte : l’action 3 du programme 174 porte les crédits en faveur de l’acquisition de véhicules propres. L’enveloppe correspondante atteignait 1,5 milliard d’euros en 2024. En 2025, avec la suppression de la prime à la conversion et le transfert du leasing social de véhicules électriques vers les Certificats d’économie d’énergie (CEE), l’action ne couvre plus que le bonus écologique pour les véhicules électriques neufs, pour un montant de 496 millions d’euros. Cette enveloppe étant épuisée à mi-année, le bonus a lui aussi été transféré vers les CEE. Reste à voir si ce transfert est temporaire, ou définitif.
- Renforcer la réglementation sur le verdissement des flottes de véhicules des grandes entreprises, qui sont la clé d’une entrée rapide des véhicules électriques sur le marché de l’occasion à destination des classes moyennes.
- La compléter en réformant les différentes niches fiscales sur les véhicules d’entreprises qui bénéficient encore aux véhicules thermiques : déductibilité de l’amortissement des véhicules d’entreprises, indemnité kilométrique, avantage en nature sur les véhicules de fonction.
- Poursuivre l’augmentation progressive du malus automobile et maintenir le niveau du bonus pour stabiliser le marché qui stagne depuis la diminution du barème fin 2024. Vu les incertitudes pesant sur les CEE (cf ci-dessus), maintenir le bonus dans le budget plutôt que dans les CEE. Pour rappel, l’esprit initial du bonus-malus consistait à taxer l’achat des véhicules polluants pour aider en contrepartie les ménages à acquérir des véhicules plus propres. Le décalage actuel entre le malus (dont les recettes ont augmenté de 600 millions d’euros entre 2024 et 2025) et le bonus, et son éventuel transfert vers les CEE qui pèsent sur les factures des ménages remettent profondément en cause la philosophie originelle du dispositif.
- Sécuriser – dans les CEE désormais – une offre de leasing social de véhicules électriques pour 2026 et 2027. Les objectifs de ce dispositif doivent néanmoins être clarifiés : cible-t-il les ménages les plus modestes contraints de rouler avec de vieux véhicules thermiques (et dans ce cas il faut des mensualités proches de 100€/mois quitte à ne pas soutenir plus de ménages qu’aujourd’hui) ? Ou vise-t-il à massifier le véhicule électrique chez les ménages de la classe moyenne (et dans ce cas le loyer peut-être un peu plus cher et il faut viser bien plus de dossiers qu’en 2025) ?
- Sécuriser le calendrier des normes européennes sur les émissions des véhicules neufs et l’interdiction de vente des véhicules thermiques en 2035.
#Infrastructures de transport pour le report modal
Contexte : le programme 203 regroupe les dépenses publiques pour les investissements dans le ferroviaire (principalement), les transports en commun urbains et le réseau cyclable. Il est complété par des aides directes de l’AFITF pour les grands projets d’infrastructure. En 2025, les soutiens programmés s’établissent à 7,9 milliards d’euros, en baisse de 0,5 milliard d’euros par rapport à 2024, notamment en matière de transports en commun urbains. Les ambitions de la France en matière de report modal, traduites en plan d’investissement par le COI en 2023, nécessitent selon I4CE une augmentation conséquente des financements de l’État, de l’ordre de 1 à 3 milliards d’euros par an.
- Le financement des infrastructures doit suivre une logique de panier, c’est-à-dire que les efforts doivent être répartis sur toutes les ressources existantes plutôt que sur une seule.
- Parmi les recettes envisageables figurent les taxes sur les modes de transport émetteurs (taxe de solidarité sur les billets d’avion dont le rendement va baisser en 2025, taxe sur les infrastructures de transport longue distance, réduction de la niche fiscale kérosène), les recettes de la vente des quotas carbone européens, le versement mobilité, le renouvellement des concessions autoroutières…
- Les modalités du fonds de concours SNCF peuvent être revues en faveur d’une contribution par voyageur qui toucherait aussi, dans un souci d’égalité, les sociétés concurrentes.
- Dans un contexte de forte demande pour le train, notamment entre grandes villes, et de modération tarifaire comparativement au reste de l’Europe pour les transports en commun urbain, les contributions des usagers peuvent augmenter, à condition de moduler leur impact sur les voyageurs les plus modestes.
- Le financement des autorités organisatrices reposant dans une large mesure sur les collectivités, le développement des infrastructures de transport collectif repose dans une large mesure sur leur capacité à maintenir un niveau d’investissement important dans les années à venir (cf ci-dessous)
#Adaptation
Contexte : les crédits budgétaires dédiés à l’adaptation au changement climatique ne sont pas regroupés dans un programme spécifique. Sujet par sujet, on identifie néanmoins des actions au sein des programmes spécifiquement fléchées vers l’adaptation ou qui présentent de forts co-bénéfices : par exemple le programme 181 de prévention des risques (qui porte le Fonds Barnier), le programme 113 pour les dépenses des Agences de l’eau ou encore le programme 161 pour la sécurité civile. Suivre les dépenses pour l’adaptation nécessite aussi de s’intéresser à tous les programmes d’investissement, portés pour d’autres impératifs mais qui sont directement impactés par le changement climatique : la rénovation des bâtiments, des infrastructures de transport ou encore les dépenses liées à la transition écologique des collectivités. Pour ces derniers, il est nécessaire d’en suivre les montants bien sûr, mais aussi – et surtout – la manière dont ils tiennent effectivement compte du changement climatique en s’alignant avec la trajectoire de référence d’une France à +4°C (TRACC). I4CE publiera une analyse des moyens dédiés à l’adaptation en septembre 2025.
- Mieux accompagner les collectivités locales en dotant la « Mission Adaptation » de moyens (en particulier des ETP) pour garantir sa montée en puissance face aux besoins locaux. Plus globalement, être attentif aux moyens humains et aux synergies entre les opérateurs qui contribuent à l’adaptation (ADEME, CEREMA, ONF, OFB, Météo France, IGN). La légère hausse des moyens enregistrée entre 2020 et 2024 s’est dégradée en 2025.
- À minima, préserver les 260M€ d’autorisations d’engagement alloués en 2025 à l’axe adaptation du Fonds Vert
- Augmenter les crédits du Fonds Barnier (+150 millions d’euros) pour accroitre les efforts en matière de prévention des risques.
- Créer un Fonds Erosion côtière (~100M€) et choisir parmi les propositions avancées, notamment par le CNTC, le mécanisme de financement le plus adapté.
- Faire de l’adaptation un critère de performance des crédits budgétaires de certains programmes. Par exemple pour le programme 348 « performance et résilience de bâtiments de l’État » piloté par la Direction Immobilière de l’État.
- Ouvrir une discussion au parlement sur les possibilités et l’opportunité de donner une portée normative à la TRACC en se basant sur les préconisations du rapport de l’IGEDD.
#Collectivités
Contexte : Depuis la sortie du plan de relance, la question des investissements locaux dans la transition climat est abordée avec un prisme budgétaire quasi unique : le Fonds Vert (programme 380). Ce Fonds est en effet devenu le réceptacle des soutiens direct à l’investissement local sur de nombreux objets touchant à l’atténuation et l’adaptation. Les autorisations d’engagement du Fonds Vert ont fortement varié ces dernières années, et ont été divisées par deux en 2025. Il est néanmoins important de garder à l’esprit que le défi de l’investissement local se joue aussi et avant tout ailleurs, dans le partage de l’effort de réduction des dépenses publiques et du déficit entre État et collectivités locales. C’est l’objet de la Conférence financière des territoires initiée par le gouvernement pour préparer le PLF 2026
- Veiller, au sortir de la conférence financière des territoires et dans sa traduction dans le PLF 2026, à une contribution des collectivités locales à la réduction des déficits publics qui ne soit pas pénalisante pour l’investissement local. D’autant plus que les nouveaux exécutifs issus des élections locales de 2026 vont rapidement définir leurs nouvelles opérations d’investissement. Il faudra en particulier préserver l’autofinancement des collectivités, et leur donner de la prévisibilité sur les ressources dont elles disposeront. Pour rappel, les dépenses publiques des collectivités doivent augmenter de l’ordre de 11 milliards d’euros entre 2024 et 2030 en moyenne annuelle pour la seule mise en œuvre de la stratégie nationale bas carbone, et ces dépenses ne peuvent être reportées sur les acteurs privés.
- Au moins stabiliser en 2026 les autorisations d’engagement du Fonds Vert. Ce dernier envoie des signaux clairs, cohérents et exigeants sur les priorités à donner au sein des collectivités en matière de climat, tant sur le volet atténuation (rénovations globales) que d’adaptation (renaturation, lutte contre ilots de chaleur urbains etc.)
- Réformer les modalités de gestion des dotations « vertes », dont le Fonds Vert, pour les rendre plus efficientes. L’État aurait tout à gagner à transformer ces dotations en un outil contractualisé, prévisible et pluriannuel accompagnant le processus de territorialisation de la planification écologique. Versées au moins en partie en fonctionnement (à l’image du « Fonds Territorial Climat » souhaité en 2025 par le Sénat), ces dotations auraient un effet levier plus important sur l’investissement local.
#Agriculture & alimentation
Contexte : les dépenses publiques pour la transition de l’agriculture et de l’alimentation en France proviennent de l’Union européenne via la PAC bien sûr, des collectivités locales, mais aussi pour près de 20% d’entre elles du budget de l’État (un tiers si on inclut également les dépenses fiscales, voir I4CE 2024). Ces dépenses passent notamment par les programmes 149 et 206, qui cumulent environ 3,2 milliards d’euros d’AE (Autorisation d’engagement) en 2025. Les mesures spécifiquement dédiées à la planification écologiques dans ces programmes totalisent 400 millions d’euros en 2025, deux fois moins qu’en LFI 2024, et moins que ce qui a été finalement exécuté en 2024. La répartition de ces montants entre les différentes mesures (Plan haie, Plan protéines, Fonds souveraineté, etc.) est toujours incertaine.
- Maintenir les crédits restants de la planification écologique et les focaliser sur des mesures contribuant à la fois à la transition écologique, à l’adaptation au changement climatique, et au renforcement de l’indépendance stratégique. Le développement des filières légumineuses par exemple contribue à ces trois enjeux, ainsi que la diversification des productions végétales de manière plus générale. Rappelons que le Plan protéines n’apparait plus dans la LFI 2025, un budget devrait lui être réservé.
- Explorer d’autres dispositifs que la subvention pour mettre en œuvre la transition écologique du secteur agricole, mais aussi de toute sa chaîne de valeur en amont et en aval (producteurs d’intrants, d’agroéquipements, coopératives, négoce, industries agro-alimentaires, distribution) : garanties d’État et prêts aidés pour couvrir le risque de transition ou le risque physique, réglementation et fiscalité incitative sur l’aval de la chaine de valeur, etc.
- En particulier, explorer de nouvelles politiques pour mettre à contribution ces secteurs de la chaîne de valeur alimentaire voire d’autres secteurs (dépendant de la biomasse agricole pour se décarboner) dans le financement de la transition écologique des exploitations agricoles et la structuration des filières clés (légumineuses, matériaux et énergie biosourcés).
# Foret-bois
Contexte : les dépenses publiques pour investir dans le renouvellement forestier et pour la filière bois ont fortement augmenté ces dernières années, via les dispositifs France Relance puis France 2030. Portées par le programme 149, les autorisations d’engagement pour 2023-24 au titre de la planification écologique dépassaient les 500M€, dont 250M€ pour le renouvellement forestier et 200M€ pour de développement et la modernisation de l’aval de la filière-bois. La LFI 2025 a réduit drastiquement ces budgets, puisque seuls 200M€ semblent préservés pour l’ensemble de ces actions. Des incertitudes demeurent quant à l’affectation précise de ces sommes au-delà du renouvellement forestier, et notamment pour le développement du bois matériau. Dans ce contexte, il devient crucial de s’assurer que les financements apportés garantissent à la fois l’adaptation de la forêt et de la filière aux conséquences du changement climatique, ainsi que l’augmentation des capacités de séquestration et stockage du carbone dans la forêt et le bois à horizon 2050.
- Prioriser, dans le cahier des charges des aides au renouvellement forestier, les projets « sans regrets », qui présentent un impact carbone positif à long terme mais aussi dans les trente prochaines années, et qui assurent l’adaptation des forêts au changement climatique. La reconstitution de forêts ayant déjà subi les impacts du changement climatique, en assurant la diversification des essences replantées et leur adaptation et en préservant le carbone du sol, est notamment à prioriser. Le gouvernement peut s’inspirer du cadre français de certification carbone, le Label Bas-Carbone pour identifier ce qui a un impact positif dans les trois prochaines décennies et permet de limiter l’effet d’aubaine.
- Préserver les financements aux industries de transformation du bois, qui contribuent à l’atténuation et vont devoir s’adapter aux conséquences du changement climatique sur les forêts, et en particulier les aides au développement du bois matériau et à la valorisation du feuillu. Néanmoins, il convient d’être vigilant quant aux ressources en bois nécessaires aux projets déjà financés, notamment ceux en faveur du bois-énergie qui captent aujourd’hui une grande partie des aides.
- Adapter les forêts au changement climatique ne nécessite pas que de l’investissement en forêt ou dans les industries. Il est également nécessaire de préserver les financements qui soutiennent des missions clés : réseaux d’observation, veille sanitaire et gestion de crise, transfert de connaissance entre recherche et gestion, expérimentation, dialogue forêt-société… Ces missions sont généralement portées par les établissements publics en charge de la forêt et du bois (ONF, CNPF, DSF, IGN…) dont les moyens humains ont globalement été orientés à la baisse dans les 10 dernières années.