Budget et climat : Pistes de réforme pour le projet loi de finances 2025
Billet mis à jour le 08 octobre 2024
Le budget 2024 avait – pour mettre en œuvre la planification écologique et donc accélérer les investissements climat, assurer notre sécurité énergétique et la résilience de notre modèle agricole – consacré une hausse inédite des dépenses publiques. La situation budgétaire s’est fortement détériorée depuis. Le Gouvernement précédent a réalisé des premières coupes en début d’année et, d’après les lettres de cadrage budgétaire, ces coupes devraient encore s’amplifier dans le projet de loi de finances 2025.
Concilier réduction du déficit budgétaire et accélération des investissements dans la transition écologique n’a rien d’évident. Les travaux d’I4CE montrent qu’il est possible d’utiliser plus efficacement l’argent public dédié aujourd’hui à la planification en priorisant les instruments budgétaires les plus performants et en mobilisant d’autres instruments de politique publique (réglementation, fiscalité) pour inciter les acteurs privés à investir. Ce dernier point est essentiel : d’autant plus quand une dépense budgétaire baisse, il faut s’assurer d’avoir d’autres politiques – à maintenir ou à renforcer – pour prendre le relais. Dit autrement, les éventuelles économies budgétaires doivent être gagées sur des « politiques relais », et ces politiques être inscrites noir sur blanc dans la future stratégie nationale bas carbone.
Dans cette note, nous proposons plusieurs pistes de réforme pour le projet loi de finances (PLF) 2025, issues des travaux d’I4CE et d’une première analyse de la performance des instruments budgétaires (cf annexe).
Néanmoins si les travaux d’I4CE montrent qu’il est possible d’utiliser plus efficacement l’argent public, ils montrent aussi que – pour tenir l’ensemble des objectifs de la planification écologique – les dépenses publiques qui y sont consacrées devront encore progressivement augmenter. D’au moins 19 milliards pour l’État d’ici à 2030, ne serait-ce que dans les secteurs du bâtiment, de la mobilité et de la production d’énergie. Si le gouvernement n’est pas en capacité de faire face à ces besoins, alors il doit établir des priorités entre les différents objectifs de la planification, un exercice plus délicat qu’il n’y parait tant la planification se veut être un tout cohérent du point des vue des émissions de gaz à effet de serre comme de l’équilibre entre la production et la consommation d’énergie ou de biomasse. Il devra établir des priorités et les assumer.
Sujets traités :
- Logements privés
- Bâtiments de l’État
- Mobilité individuelle
- Infrastructure de transport collectif
- Adaptation
- Collectivités
- Agriculture et alimentation
- Forêt-Bois
- Annexe
Logement privés
Contexte : les programmes 135 et 174 fixent les autorisations d’engagement de l’État vers l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), organisme qui délivre les aides MaPrimeRenov’ (et d’autres moins importantes budgétairement comme MaPrimeAdapt’, Ma Prime Logement Décent, ou celle pour les copropriétés dégradées). Dans le budget initial pour 2024, les autorisations d’engagement pour la rénovation des logements avoisinaient 4 milliards d’euros dans ces deux programmes. Après des premières coupes début 2024 de l’ordre d’un milliard d’euros, pouvant s’expliquer par l’anticipation d’une sous-consommation, de nouvelles coupes sont envisagées pour le PLF2025.
- Appliquer la réforme de MaPrimeRenov’ (MPR) qui concentre l’effort budgétaire sur les rénovations performantes des logements les plus énergivores, la décarbonation des systèmes de chauffage des autres logements, et sur les classes moyennes et populaires. Cela permet de dégager des économies sur les aides aux petits travaux d’isolation.
- Des économies budgétaires supplémentaires peuvent être réalisées sur la décarbonation des systèmes de chauffage mais cela implique – pour que le marché des pompes à chaleur par exemple ne s’effondre pas – de mettre en œuvre une politique relais (ex : réglementation de l’installation de nouveaux chauffages au gaz, pour les autoriser uniquement là où ils représentent la solution la plus pertinente économiquement et techniquement).
- Les dépenses pour les rénovations performantes des logements énergivores doivent être préservées. Le marché des rénovations performantes est en train de se structurer et de se développer, et il ne saurait résister à une politique du « stop & go ».
- Supprimer progressivement l’écart de TVA entre les travaux de rénovation énergétique (5,5 %) et les travaux de rénovation (10 %), et réorienter les économies vers MPR au fur et à mesure que les rénovations performantes montent en puissance.
- Réformer le dispositif des Certificats d’économies d’énergie pour en améliorer l’efficacité et augmenter les obligations qui pèsent sur les fournisseurs d’énergie.
- Maintenir l’obligation de rénovation sur les propriétaires bailleurs. Les autres leviers à explorer pour limiter le besoin de financements publics à moyen terme incluent la mise en place de règlementations ciblées au moment de la mutation.
- Maintenir l’Éco-PTZ, condition essentielle à l’atteinte des objectifs de rénovation performante. Si l’allègement de l’instruction pour les banques ne suffit pas à inciter les banques à massifier sa distribution, explorer d’autres options de politique publique (ex : l’Anah peut renvoyer les ménages vers une banque de dernier recours comme La Banque Postale).
Bâtiments de l’État
Contexte : les investissements de l’État dans la rénovation de ses bâtiments ne sont pas regroupés dans un programme budgétaire unique (mais ils font l’objet d’un document de politique transversale). Selon nos estimations, ils étaient de l’ordre de 400 millions d’euros dans le budget initial 2024. L’avenir de ces dépenses pour le PLF2025 demeure incertain.
- Les besoins de dépense publique pour atteindre les objectifs très ambitieux de rénovation des bâtiments publics sont appelés à croitre fortement. À court terme, concentrer les investissements existants sur des rénovations très performantes énergétiquement, prenant en compte l’adaptation aux changements climatiques, et bénéficiant à des publics vulnérables. L’objectif étant de contribuer à la structuration de la filière du BTP pour réduire progressivement les coûts des travaux.
Mobilité individuelle
Contexte : le programme 174 (Action 3) comprend les aides de l’État à l’acquisition de véhicules propres via, essentiellement, le bonus écologique pour les véhicules électriques neufs et – nouveauté de 2024 – le leasing social de véhicules électriques. Dotée de 1,5 milliards d’euros d’autorisations d’engagement en 2024 (et avec des dépenses effectives plus importantes étant donné le succès du leasing social), les lettres-plafonds prévoient une très forte diminution de l’enveloppement dédiée au verdissement des véhicules en 2025, de l’ordre de 500 millions d’euros.
- Durcir à nouveau les conditions de revenu pour accéder au bonus écologique pour les véhicules électriques neufs, celui-ci bénéficiant d’abord à des ménages aisés et avec de forts risques d’effet d’aubaine. Plus globalement, entamer la suppression progressive du bonus, mais ne pas le supprimer du jour au lendemain pour éviter une chute brutale du marché et un scénario « à l’allemande ».
- Rediriger toute ou partie des économies budgétaires vers l’enveloppe du leasing social, et réformer ce dispositif pour en baisser le coût budgétaire par véhicule.
- Maintenir l’enveloppe et le barème de la prime à la conversion, qui permet de retirer de la circulation des véhicules anciens et polluants
- Toujours pour préserver le marché du véhicule électrique, renforcer – en parallèle de la baisse du bonus – la réglementation sur les flottes de véhicules d’entreprises. Cela permet par ailleurs de développer le marché d’occasion pour les classes moyennes et populaire.
- Maintenir les réglementations européennes sur les véhicules thermiques (standards d’efficience et fin de la vente des véhicules thermiques à 2035).
- Augmenter le malus automobile et réformer voire supprimer progressivement certaines dépenses fiscales : déductibilité de l’amortissement des véhicules d’entreprises, indemnité kilométrique, avantage en nature sur les véhicules de fonction.
Infrastructure de transport collectif
Contexte : le programme 203 regroupe les dépenses publiques pour les investissements dans le ferroviaire (principalement), les transports en commun urbains et le réseau cyclable. Pour 2025, les lettres-plafonds prévoient une augmentation conséquente des autorisations d’engagements (près de 5 milliards d’euros, contre 4,3 dans le budget initial pour 2024), qui correspond à la poursuite de l’augmentation des péages ferroviaires que l’État verse à SNCF Réseau pour l’aider à investir.
- Demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les modalités de financement des investissements supplémentaires attendus pour moderniser et développer le réseau ferroviaire. Pour rappel, l’ambition annoncée est d’investir 100 milliards d’euros sur vingt ans pour moderniser et développer le réseau, avec un pic d’environ 16 milliards d’euros à l’horizon 2030 (travaux COI et ART en 2023). Le schéma de financement de ces investissements n’a pas encore été clarifié.
- À minima préserver l’augmentation des péages ferroviaires payés par l’État à SNCF Réseau. L’augmentation prévue ne suffira pas à combler le besoin de financements publics. Même en améliorant en parallèle la productivité de SNCF Réseau et en facilitant ses emprunts, le besoin restant atteindra en 2030 l’ordre de 10 milliards d’euros.
- Une option complémentaire à la hausse des péages consiste à augmenter les bénéfices de la branche « voyageurs » de la SNCF, qui sont affectés au financement du réseau par le biais d’un fonds de concours. Pour cela, le gouvernement peut demander – comme cela a été fait par ces dernières années – à la SNCF d’augmenter ses prix de façon ciblée (yield management). Cette option se heurte néanmoins à l’ouverture à la concurrence, puisque les nouveaux entrants n’y sont pas soumis, et risque de décourager encore plus qu’aujourd’hui le report modal des classes moyennes et populaires sur les trajets longue distance.
- De nouvelles ressources fiscales sont en discussion, que ce soit pour le réseau ferroviaire ou plus généralement pour le programme 203, comme l’augmentation de la taxe sur les infrastructures de transport longue distance, ou de la taxe de solidarité sur les billets d’avion.
Adaptation
Contexte : les dépenses d’adaptation au changement climatique ne sont pas regroupées dans un programme particulier. Il y a bien des programmes qui y contribuent directement, que ce soit (par exemple) le programme 181 de prévention des risques, le 113 sur les dépenses des agences de l’eau, ou le 161 pour la sécurité civile. Les lettres-plafond n’apportent pas à ce stade d’informations précises sur l’avenir de ces programmes. Mais l’adaptation se joue et se jouera aussi de plus en plus dans de multiples programmes existants impactés par les conséquences du changement climatique : ceux dédiés à la rénovation des logements, des infrastructures de transport ou encore à la transition écologique des collectivités par exemple. Ces programmes, eux, sont particulièrement visés pour réaliser des économies budgétaires.
- Passer d’une logique de gestion des crises climatiques à une logique d’anticipation des risques, afin de réaliser des économies budgétaires : si le coût de la facture pour réduire la vulnérabilité de l’économie peut être partagé entre public et privé, la puissance publique est toujours en première ligne pour gérer les crises et réparer ensuite, et la facture augmente.
- Concrètement : mettre en place un « fonds d’adaptation individuel » financé par une partie de l’augmentation de la surprime CatNat prévue pour 2025 et doté de 200 millions d’euros. Ce fonds a pour objectif de soutenir les ménages qui mettent en œuvre des mesures préventives. Il est l’une des mesures phares du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) qui doit encore être adopté.
- Créer de nouvelles ressources pour l’adaptation du littoral, par exemple via l’augmentation de la taxe sur les droits de mutation à titre onéreux (besoin minimal estimé à 250 millions d’euros sur 10 ans), affectée à un fonds dédié ou au Fonds Barnier.
- Relancer les discussions sur la hausse de la redevance suspendues lors de la crise agricole.
- Assurer des crédits et des emplois à la « Mission adaptation », nouvellement créée par l’ADEME et le CEREMA principalement, pour aider les collectivités locales à intégrer les enjeux d’adaptation ; plus généralement veiller à préserver les ressources des opérateurs sur l’adaptation.
Collectivités
Contexte : avec le Fonds Vert (programme 380), l’État a augmenté son soutien aux actions climat entreprises par les collectivités. Les autorisations d’engagement du Fonds Vert pourraient être très fortement réduites : alors qu’elles étaient de 2,5 milliards d’euros dans le budget initial pour 2024, et après une première coupe en début d’année, elles seraient d’un milliard en 2025 selon les lettres-plafond. Il est important de garder à l’esprit néanmoins que le défi de l’investissement local se joue aussi et avant tout ailleurs.
- Maintenir en 2025 les autorisations d’engagement du Fonds Vert et le réformer. Ce fonds a été créé, réévalué et annoncé comme pérennisé. Il est devenu le réceptacle des soutiens direct à l’investissement local sur de nombreux objets touchant à l’atténuation, à l’adaptation et au cadre de vie. La baisse annoncée du niveau des engagements du Fonds Vert envoie un très mauvais signal aux collectivités sur la priorité politique de la planification. Une réflexion sur l’efficacité de cet instrument est néanmoins nécessaire : son mode de gestion actuel (déconcentré, annuel) conduit à un saupoudrage dont l’effet levier sur l’investissement local est douteux. Pour le rendre plus efficace, il pourrait devenir un outil contractualisé et pluriannuel, par exemple à l’échelle des bassins de vie via les Contrats de réussite de la transition écologique (CRTE), accompagnant le processus de territorialisation de la planification écologique piloté par l’État et les Régions.
- Éviter de prendre des mesures de court-terme de baisse des dotations aux collectivités hors Fonds Vert ou de nouvelles règles de plafonnement des dépenses. Elles enrayeraient la dynamique d’investissement local, portée notamment par les investissements « climat » (rénovation des bâtiments publics, infrastructures de mobilité – transports collectifs et aménagements cyclables, éclairage public), alors même que le cycle d’investissement communal et la conjoncture actuelle des finances locales vont d’ores et déjà conduire à un coup de frein dans les années à venir. Pour rappel, les dépenses publiques des collectivités doivent augmenter de l’ordre de 11 milliards d’euros entre 2024 et 2030 en moyenne annuelle pour la seule mise en œuvre de la stratégie nationale bas carbone, et ces dépenses ne peuvent être reportées sur les acteurs privés.
Agriculture et alimentation
Contexte : les dépenses publiques pour la transition de l’agriculture et de l’alimentation en France proviennent non seulement du budget de l’État mais aussi de l’Union européenne et des collectivités locales. Elles sont estimées entre 3 et 5 milliards d’euros, dont 2 à 3 provenant de l’État, la fourchette révélant les incertitudes sur la part contribuant à la transition de certains financements. Le PLF2025 pourrait revenir fortement sur la hausse des autorisations d’engagement de 750 millions d’euros décidée l’année dernière pour la transition agroécologique (programmes 149 et 206).
- Préserver les nouveaux crédits alloués dans le budget 2024 à la planification agroécologique et, pour préparer le PLF2026, lancer une revue de l’efficacité de ces dépenses. Pour rappel ces crédits financent les Plans haies et protéines végétales, la décarbonation et les diagnostics carbone, la stratégie de réduction des pesticides ainsi que le fonds en faveur de la souveraineté et des transitions. Les autorisations d’engagement de ce dernier nécessitent d’être renouvelées pour contribuer à la déclinaison territoriale de la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) à travers les projets alimentaires territoriaux.
- Toujours pour préparer le PLF2026 et les suivants : lancer dès maintenant différentes missions pour explorer la réorientation de certaines dépenses publiques dédiées aux secteurs agricole et alimentaire.
- Réforme des niches fiscales sur l’énergie – dont le coût est estimé 3 milliards d’euros par an pour l’agriculture et le transport routier des marchandises agricoles et alimentaires – et leurs compensations possibles cohérentes avec la décarbonation ;
- Verdissement des exonérations de prélèvements (2,2 milliards d’euros) liées au dispositif des titres restaurant ;
- Éventuel verdissement des exonérations de cotisations sociales (dispositif Fillon, bandeau familles, bandeau maladie ; 80 milliards d’euros au total dont 14 milliards d’euros pour l’agriculture et l’alimentation).
Forêt-Bois
Contexte : les dépenses publiques pour investir dans le renouvellement forestier et pour la filière bois ont fortement augmenté ces dernières années, via les dispositifs France Relance puis France 2030. Portées par le programme 149 les autorisations d’engagement pour 2024 étaient de l’ordre de 300 millions d’euros pour le renouvellement forestier, l’aval de la filière-bois et le développement du bois matériau. On compte également près de 60M€ pour la défense des forêts contre l’incendie, les filières graines et plants ou encore les forêts en Outre-Mer.
- Pérenniser l’effort budgétaire, en garantissant dans la durée le financement du nouveau Fonds pour le renouvellement des forêts impactées par le changement climatique.
- Il est tout aussi important de s’assurer de bien dépenser, c’est-à-dire de flécher ces dépenses vers des projets qui garantissent à la fois l’adaptation de la forêt et de la filière aux conséquences du changement climatique, et assurent un maintien ou une augmentation des capacités de séquestration et stockage du carbone à horizon 2050. Cette garantie n’est que partielle aujourd’hui. Les leviers se trouvent notamment dans l’élaboration des cahiers des charges des appels à projet France 2030 et de ceux du nouveau Fonds pour le renouvellement forestier.
- Préserver, voire renforcer, dans les établissements publics en charge de la forêt et du bois (ONF, CNPF, DSF, IGN…) les moyens humains indispensables pour bien investir l’argent public (réseaux d’observation, veille sanitaire et gestion de crise, expérimentation, dialogue forêt-société)
Annexe
Trois critères de priorisation des instruments budgétaires
- Efficience économique de l’action publique. Les coûts d’abattement sont utiles pour évaluer l’impact CO2 direct de chaque euro investi par le public et le privé, et comparer l’efficience économique de solutions techniques : faut-il miser sur des poids lourds fonctionnant à hydrogène, au biogaz ou électriques ? Les coûts d’abattement doivent néanmoins être utilisés avec précaution. Une de leurs lacunes est qu’ils ne sont pas nécessairement cohérents avec la neutralité carbone à 2050. Améliorer l’efficacité des véhicules thermiques est ainsi une solution efficiente économiquement, mais qui ne permettra pas d’atteindre la neutralité carbone. De même, une rénovation a minima d’un logement très énergivore est efficiente du point de vue de son coût d’abattement, mais elle ne l’est plus si on intègre le fait que ce logement devra dans ce cas être rénové à nouveau d’ici 2050. Dans notre exercice de priorisation des instruments budgétaires, nous utilisons donc les coûts d’abattement des solutions cohérentes avec la neutralité carbone.
- Sécurité énergétique. Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de réduire notre dépendance aux énergies fossiles importées et de s’assurer que la France et l’Europe produiront dans les années à venir suffisamment d’énergies décarbonées pour répondre à la demande croissante de l’industrie, du transport, des bâtiments, etc. C’est tout particulièrement un enjeu pour le marché électrique, à l’heure où tous ces secteurs s’électrifient. Nous intégrons donc un critère de bouclage énergétique, et complétons ainsi les coûts d’abattement qui sont aveugles à cette dimension. Ainsi, même si la rénovation énergétique des bâtiments a bien souvent un coût d’abattement plus élevé que la décarbonation de l’industrie, elle permet de faire les économies d’électricité dont l’industrie aura besoin pour se décarboner. Concrètement, cela conduit à favoriser les instruments qui permettent de produire plus d’énergie décarbonée et de maitriser la consommation d’énergie. Rappelons que notre dépendance énergétique et les crises énergétiques ont un coût budgétaire considérable : 0,8 point de PIB en 2022.
- Accès des classes moyennes et populaire. Le concept d’« écologie populaire » prôné par le précédent Premier Ministre a manqué d’incarnation, si ce n’est via le nouveau leasing social de véhicules électriques. Il touche néanmoins un point important : il faut donner accès aux solutions bas carbone à tous, et en particulier à ceux qui n’ont pas les moyens de financer seuls l’investissement dans un véhicule bas carbone ou un logement performant – les classes moyennes et populaires. Les ménages les plus aisés, mais aussi les grandes entreprises et grandes collectivités, ont quant à eux une meilleure capacité financière à agir. Il nous semble donc nécessaire de prioriser les dépenses budgétaires vers les aides et infrastructures qui bénéficient le plus aux classes moyennes et populaires. D’autant plus que l’extension du marché carbone européen (ETS) au bâtiment et au transport est censé entrer en vigueur dès 2027.
Analyse des secteurs du bâtiment et de la mobilité
Données : les budgets des différents instruments sont ceux du PLF 2024, corrigés des réformes gouvernementales depuis le début de l’année ; les fourchettes de coûts d’abattement proviennent de sources publiques (les références sont fournies sous le tableau) ; les besoins d’investissements sont issus de la dernière édition du Panorama des financements climat d’I4CE. Rappelons qu’ils sont cohérents avec ceux de la mission Pisani-Ferry-Mahfouz et du Trésor.
Pistes de réforme : nous tirons de l’analyse des pistes de réforme pour : (1) réorienter les enveloppes budgétaires de certains instruments vers d’autres ; (2) améliorer la contribution des instruments à ces trois objectifs ; (3) renforcer d’autres politiques pour prendre le relais des instruments dont l’enveloppe est réduite, et pour modérer les besoins budgétaires croissants d’autres instruments.
Rénovation énergétique des bâtiments
Mobilité
Références
France Stratégie et IGF (2024), « Comité d’évaluation du plan France Relance – Rapport final – Évaluation des dispositifs – Le dispositif MaPrimeRénov’ », p.82
France Stratégie (2022), « Les coûts d’abattement Partie 5 – Logement », rapport de la commission présidée par Patrick Criqui, p. 47
France Stratégie (2022), « Les coûts d’abattement Partie 5 – Logement », rapport de la commission présidée par Patrick Criqui, p. 87
France Stratégie (2022), « Les coûts d’abattement Partie 2 – Transports », rapport de la commission présidée par Patrick Criqui, p. 39
France Stratégie (2022), « Les coûts d’abattement Partie 2 – Transports », rapport de la commission présidée par Patrick Criqui, p. 15
ADEME (2021), « L’intégration d’une composante carbone dans le dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE)», p. 28
Cour des Comptes (2019), « Les transports express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence : Des réformes tardives, une clarification nécessaire », annexe 3
France Stratégie et IGF (2024), « Comité d’évaluation du plan France Relance – Rapport final – Évaluation des dispositifs – La rénovation énergétique des bâtiments publics », p.55-56
Gouvernement (2023) « Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État », p215
RTE, « Bilan prévisionnel 2023-2035 : principaux résultats », p.82-85
Institut Mobilités en Transition, « Première édition du leasing social : leçons d’un succès mal anticipé », mars 2024